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© 2022-2025 1a Oussama Benbrahmi

histoire intégrale dans un seul chapitre

1

Au début, le fils d'Albert fut adopté par une gouvernante dans le quartier arabe. Mais cela n’a pas duré, elle venait de décéder elle aussi déchiquetée par les loups, alors que l'enfant était retrouvé indemne jouant auprès d'elle avec des louveteaux. Personne ne voulait de cet enfant.
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Ce n’était pas un jour de défilé mais les gens s’alignaient pour regarder passer une jeep, suivie de deux ou trois camions. Un homme était attaché tête en bas sur le capot. Il saignait encore, un combattant du F.L.N sans doute. Debout sur sa Jeep, le lieutenant Jibard tenait à ce qu’il soit salué par la foule « Le salaud, il a osé » avait dit Albert Quaswar le notaire de la ville

« Il n’y a pas que lui qui oserait faire cela » lui a répondu Catherine, c’était une jeune prof de français, elle se tenait juste derrière lui. Albert se retourna et ce fut tout de suite le coup de foudre, elle était belle.

La maison d’Albert était située à la sortie est de la ville, à moitié dissimulée par les arbres. C’était le seul héritier quand il épousa Catherine. Peu de gens se rendaient chez les Quaswars, à cause des rumeurs. la plus récente, c’était cet accident qui a coûté la vie a trois soldats français qui en descendant de la maison des Quaswars, ont été retrouvés en bas sur la rivière avec leur véhicule, il y avait un pont, leurs freins auraient lâchés. À cette époque, la ville ne comptait que trois ou quatre mendiants ou sans-abri. L’un d’eux était tout le temps à la sortie de l’église et un autre qui tendait la main lui aussi devant la porte de la mosquée. Le troisième, c’était un fou qui s’allongeait sur le trottoir et consumait de l’alcool et des cigarettes. Peu de gens savaient que ces mendiants étaient hébergés le soir chez les Q.

« Oh ! merci, maîtresse… » Catherine reconnue tout de suite Maurice le clochard quand elle lui servi son dîner, une soupe bien chaude, un morceau de pain et une grappe de raisin

« Tu as entendu Albert, il a parlé, tu l’as reconnu, c’est Maurice ». Les gens de la ville croyaient qu’il était muet. Albert se retourna vers le visage étonné de sa femme, avança lentement, puis la serra dans ses bras, le temps qu’elle comprenne que Maurice ne parlait qu’à son maître. Le couple Q allaient à la salle de cinéma en ville, et de temps à autre ils étaient parmi les invités aux galas et aux cérémonies de mariages comme tout le monde, ils menaient une vie paisible et tranquille. Cependant, personne n’était invité chez eux.

Voici venir un autre drame, dans les mêmes parages sur le même virage au-dessous du pont. Au bord de la rivière gisait le corps de Jibard le lieutenant, égorgé de l’oreille gauche jusqu’à l’oreille droite, mains et pieds ligotés, le béret toujours ajusté sur sa tête, sa chemise militaire tachetée de sang avec ses galons, à moitié nu (ni pantalon, ni slip, ni chaussures, ni chaussettes). la piste F.L.N semblait être la seule plausible. Puis se fit au tour de madame Jibard qui allait être soumise aux interrogatoires du commissaire Mirou :

« Savez-vous où il devait se rendre ce soir-là ? »

« Il m’avait dit qu’il était invité, mais je ne me souviens pas chez qui exactement »

« Il le faut, madame Jibard, faites un effort. »

« Désolé il ne me l’a pas dit, sinon je m’en serais souvenue »

« A-t-il dit qu’il allait se rendre chez Albert le notaire ? »

« Sûrement pas, il ne s’entendait pas du tout avec ce notaire »

Il n’y avait pas que les Quaswars qui n’étaient pas très communautaires dans cette ville, Il y avait aussi Gertrude la sorcière, sa maison était située à l’entrée du quartier arabe, entourée d’un petit jardin. Bien que les enfants étaient réputés être beaucoup plus turbulents, personne n’osait franchir la barrière de cette sorcière, ce sont leurs parents qui leur en interdisaient l’accès. Gertrude vivait seule dans cette maison et s’absentait souvent. Cependant, tous les gosses se précipitaient et se bousculaient en criant et en tapant des mains sur le capot de la Citroën, une DS palace noire, celle d’Albert Quaswar. Ce n’est pas la première fois qu’il venait rendre visite à madame Gertrude

« Alors, maître, tu lui as bien tordu le cou cette fois ce prétentieux lieutenant »

« J’aurais besoin d’un alibi, tu étais bien là ce soir? Le commissaire Mirou commence à me taper sur les couilles.

 

 

Vint le jour où Albert et Catherine eurent un enfant, cela ne les empêcha pas de commettre un autre crime. La victime était un Arabe cette fois, mais c’était le garde champêtre. À propos du commissaire Mirou, il n’était plus le même, c’est ce qu’avaient remarqué ses coéquipiers au cours de son enquête bien avant sa mise à la retraite. Ce fut un sale temps pour un flic. les services secrets militaires français ont pris l’affaire en main cette fois. Quelques renseignements par la, des indications ou on a eu recours à la torture et cela a abouti par tendre un piège durant des nuits entières. Il paraît que les assassins étaient deux personnes cagoulées d’après les aveux des indigènes. La neuvième nuit de mobilisation a fini par faire mouche « Halte, halte. »
Albert s’arrêta mais Catherine a sorti son arme et avant même d’avoir eu le temps de tirer, on les a abattus tous les deux.

 

Après le départ des Français, les anciens combattants faisaient la loi dans ce pays. Si Mokhtar le manchot arriva d’une autre ville, il était invité chez mon oncle lui aussi ancien combattant. J’ai pris place dans le siège arrière de la voiture de mon oncle, ils bavardaient à haute voix, ils parlaient des Quaswars. Quand on a dépassé le pont, mon oncle vira à gauche, il montait le chemin qui menait à la maison hantée. Il y avait un panneau (propriété privée), puis l’entrée, pas de portail, les piliers en pierres bâties étaient bien là avec un prolongement de murailles à gauche et à droite

« HAHah… même les portes ne sont pas épargnées dans votre ville»

« Je ne pense pas que ça soit le cas » lui a répondu mon oncle

« Ah oui, apparemment, il n’y a que des anges ici »

« Tout ce que je peux te dire, c’est qu’il y a du vol partout, sauf dans cet endroit »   Un jet de pierres venait d’être lancé sur le pare-brise arrière, puis un deuxième, mon oncle gara la voiture juste devant la porte d’entrée. En descendant, le manchot évita de justesse un caillou qui lui était destiné. J’ai vu les assaillants qui continuaient à nous lancer des pierres, deux hommes et une femme et j’ai tout de suite reconnu Rabia la folle. Notre invité du recourir à son arme et tira un coup de sommation en l’air, puis on a vu la porte qui s’ouvrait, c’était une dame accompagnée d’un petit garçon

« Vous auriez dû me prévenir de votre arrivée Hadj »
elle donna l’ordre aux hommes aux allures de mendiants de s’en aller. Quand elle nous fit entrer dans la grande salle, je suis allé vers la cheminée, le petit garçon jetait des bûches sur le feu.

« Tu es avec moi à l’école n’est-ce pas ? »

« Je m’appelle Quaswar Aladin, et ça, c’est, ma mère »
Il me désigna la photo posée sur le toit de la cheminée. Puis il prit ma main, ensemble nous montâmes l’escalier, puis il est allé ouvrir une chambre, il y avait un grand portrait, un vrai travail d’artiste, c’était sa mère, une femme avec de grands yeux d’Elvis.
En rentrant chez nous, la discussion reprit entre mon oncle et son invité

« Où sont ses parents ? »

« Morts tous les deux, fusillés ou exécutés par l’armée française. On a voulu étouffer l’affaire et pour cela, ils ont préféré nous faire porter le chapeau »

« Et qui va s’en occuper du gosse maintenant ? »

« Eh bien c’est nous. De ce côté-là, pas de soucis à se faire, nous continuerons à porter secours et assistance à ce fils de martyres. Concernant la villa ; pas de problèmes. Elle est actée et notariée au nom de son père, c’était lui le notaire de la ville »

 

Un après-midi, Alain fut emmené par sa servante pour une destination inconnue. Elle avait rendez-vous avec des sorciers.

« Ne t’inquiète pas, c’est une grotte là où nous allons pénétrer. Allez, monte, mon garçon, on va jouer à Ali Baba et les quarante voleurs »
Au fait, Djaffar le chauffeur n’était pas vraiment un sorcier, les deux autres quand ils ont vu Alain, ont cessé de parler durant tout le long du trajet, eux qui d’habitude étaient bavards, ce qui a un petit peu étonné leur chauffeur. Il y avait du sable à l’entrée de la grotte, une vraie dune qui vous permet de descendre. Seuls les deux sorciers connaissaient leur chemin.

« Voilà la source » cria Djaffar qui s’apprêtait à boire en tendant ses deux mains

« Non ; tu vas t’endormir et il n’y aura personne pour te réveiller le matin. Notre fontaine, elle est sèche et c’est de l’autre côté qu’elle se trouve »
On descendait toujours dans cette grotte, puis ce fut un grand espace surmonté d’un amas de pierres qui semblait venir d’en haut. Lorsque les deux compagnons de Djaffar s’arrêtèrent, il comprit que c’est là oui il faut creuser. Le chauffeur jeta la pelle et la pioche et emmena Zoulikha un peu plus loin

« Viens par-là toi. Avant de creuser, on a des choses à se dire toi et moi. Hahaha. Eh ! les gars, vous avez vu sa main ? elle a le même signe »

Il tenait sa main quand elle se débattait pour ne pas se laisser faire.

« Oui, nous nous en sommes rendu compte bien avant toi Djaffar. Ne t’éloigne pas trop avec cette femme dans cette grotte »

Puis il était revenu et la servante traînait derrière lui « Attache-la »

« Hahaha, ne vous en faites pas elle ne se débattra pas. Ça lui a plu. N’est-ce pas petite garce ? »

« Les mains et les pieds, t’entends, Djaffar ? »
Il stoppa net son ricanement et regarda le visage de ses compagnons qui n’ont pas esquissé un sourire. Zoulikha comprit que c’est elle qui allait être égorgée.

« Mais qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? C’est un enfant, Zouhri, qu’on doit sacrifier, non une femme ! »
Djaffar qui était pourtant bien bâtit, n’a pu maîtriser la servante qui maintenant se débattait de toutes ses forces en criant. Ses cris faisaient écho dans cette grotte. L’un des sorciers prêta main-forte à Djaffar, tandis que l’autre sortit un couteau dissimulé dans son dos et avança lentement vers Alain qui était toujours là, debout a une dizaine de mètres, observant la scène, aucune émotion, aucun sentiment, son regard était fixé sur sa gouvernante. Il ne prêta même pas attention à l’homme au poignard qui s’agenouillait devant lui « Maître Aladin, accepteriez-vous ce sacrifice ? »

« Pourrions-nous déterrer ce trésor maître ? » répliqua l’autre sorcier qui retenait toujours la femme avec ses deux mains. Le chauffeur ne prononça pas un mot, tellement il était choqué qu’il ait dû lâcher prise et la gouvernante s’échappa pour aller escalader le monticule de pierres. Malheureusement tout s’écroula sous ses pieds, l’écho des cries incessants a provoquer cet éboulement. Alain a déjà repris le chemin du retour, suivi par l’homme qui tenait toujours dans sa main l’arme du sacrifice. Djaffar et l’autre sorcier avant engloutis par les eaux, ont senti être entraînés vers le bas, dans cet endroit qui était censé être la fontaine sèche. Quand soudain l’eau avait jailli du sol… Ils l’ont vu ce fameux trésor, l’eau de la fontaine était tellement claire qu’ils ont pu voir un coffret en bois sculpté, juste devant leurs pieds, mais ils n’ont pas eu le temps de l’ouvrir. Ils croyaient qu’ils allaient pouvoir s’en tirer à la nage. Mais, il s’est produit un deuxième éboulement et ils ont été ensevelis par un amas de pierres. Seuls rescapés, le fils de Quaswar qui montait sans grande peine la dune pour atteindre la sortie. Puis ce fut au tour de l’homme au poignard. Mais ce dernier a senti que le sable bougeait sous ses pieds, chaque fois qu’il voulait monter il glissait et se retrouvait de nouveau en bas

« Sauvez-moi, mon maître » Ainsi donc furent ses dernières paroles. L’affaissement s’est étendu jusqu’à la sortie de la grotte. Debout à l’extérieur, Alain jeta un dernier regard comme pour marquer cet endroit, un trou au bas d’une montagne, puis il alla rejoindre la ville.

 

C’était la pleine lune. Il marcha vers la camionnette qui n’était pas très loin de la route. Pas de circulation, il continua son chemin au milieu des hurlements. Des loups convergeaient vers lui. Justement, il en connaissait un, au début, Alain l’avait pris pour un chien en quête de nourriture, cet animal descendait souvent aux alentours de la ville et s’introduisait même dans la maison des Quaswar car il n’y avait qu’Alain qui le nourrissait. Le reste, c’est à dire la gouvernante et le monde fou de la villa n’osait pas s’en approcher. Voici venir de loin deux phares allumés, un tracteur de labour qui s’arrêta, un homme était descendu tandis que le chauffeur restait au volant. Les loups ne fuyaient pas, au contraire ils avançaient toujours en montrant leurs crocs. Alain n’attendait qu’un signe pour monter dans le tracteur, mais le superstitieux paysan semblait reconnaître le fils du fantôme sous les projecteurs

« Tu es le fils de Quaswar ? ».

Aussitôt, l’homme est allé rejoindre son compagnon.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi on ne le prend pas ? »

« Démarre, c’est ce damné Quaswar, démarre ou il nous arrivera malheur. »

« Et comment peux-tu être sûr que c’est lui ? »

« Mais regarde ça crétin, tu as déjà vu un petit gamin entrain de dresser des loups affamés là au beau milieu de la nuit ? »

Il avait raison le paysan, oui c’était bel et bien Kebir le chef de la meute qui jouait avec son maître. Après ces heureuses retrouvailles, Alain devrait se dire qu’ils aillent au diable tous les deux avec leur engin. Le loup accompagna son maître jusqu’à l’entrée de la ville. Il était fatigué et il avait faim et son domicile était encore loin, tandis que la maison de Myriam une ex-gouvernante, se trouvait à une centaine de mètres. Lorsqu’il frappa à la porte, il ne pouvait plus tenir debout, il tomba évanoui.

« Dis Myriam, tu as vu le collier qu’il porte autour du cou ? »

« Oui, et c’est grâce à cette chaîne que je l’ai reconnu. »

« Qu’importe, ce que je veux dire c’est qu’un enfant qui vient de passer toute une nuit dehors peut très bien rentrer chez lui ayant égaré son collier. C’est maintenant ou jamais, avant qu’il ne se réveille »

« Même si je te dis qui il est ? »

« Je m’en fiche de savoir qui il est. »

« C’est le fils de Cathy. »

« Cathy qui ? »

« Catherine Quaswar, la Française, là où je travaillais avant que tu m’épouses »

L’homme resta muet pendant un moment avant de dire:

« Quand il se réveillera, ouvre lui la porte et laisse le partir. Qu’il aille au diable avec son collier »

Dans la pièce à côté il y avait Nadir leur fils, a la sortie ce dernier est allé rejoindre Alain :« Hé, attends-moi. Tu t’appelles Aladin. Ta mère est française ?  Je voulais juste te dire que notre religion interdit le port de chaînes en or pour les hommes »

Quand le père de Nadir rentra chez lui, Aladin était encore là. il insulta sa femme et avança vers elle en voulant la frapper, puis détourna brusquement son regard vers Alain…..« Vient mon garçon, je vais te ramener chez toi, il doit bien y avoir quelqu’un qui t’attend là-bas »

C’était aussi la pleine lune quand ils arrivèrent à la villa. Sur le chemin du retour, le père de Nadir a voulu prendre un raccourci en quittant la route. Erreur monumentale. Un grand loup courait derrière lui, puis deux autres venaient à la rescousse, un autre sortant des bois, venait couper la trajectoire du motard. Le lendemain, on découvrit la énième victime autour de la maison hantée. Après ce décès et vu les conditions déplorables de la veuve, l’ex-gouvernante à décider de reprendre le boulot dans la villa des Français. Alain fut ravi et Myriam aussi.

 

Pour en finir avec les drames, voici venir la mort de mon oncle « aïe… ah »
Il retenait difficilement sa douleur, il avait un cancer au foie, il m’a parlé de ça une fois.

« le sous-sol, tu dois connaître …n’y va pas, mon fils. Si tu continues à le voir, tu seras son complice ou il en fera de toi un sacrifice »
Repose en paix mon oncle. Concernant ta recommandation, il y’a longtemps que j’ai choisi la première. Oui, être complice, je ne voudrais pas finir comme Zoulikha. Il vaut mieux être loup qu’être un agneau.

 

 

 

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