Créé le: 10.08.2016
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A coeur battant

Polar

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© 2016-2024 Stéphanie de Roguin

Un samedi comme un autre... Antoine se rend aux puces et, en furetant dans un vieux meuble, se trouve nez à nez avec un coeur presque battant! Horrifié, il décide de mener l'enquête...
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Antoine allait régulièrement aux puces le samedi matin. Il appréciait cette atmosphère particulière, qu’on ne ressent pas ailleurs. Des vieilleries, un air d’ancien, un endroit où le temps s’arrête. Il y trouvait également un côté utilitaire, puisque grand bricoleur, il remeublait régulièrement son studio de 30m2 sous les combles, avenue des Mouettes, centre-sud.

Ce jour-là, il furetait à la recherche d’une petite commode. Quelque chose dans laquelle il puisse ranger de vieilles cassettes achetées au même marché quinze jours plus tôt. On le trouvait bizarre, avec ses manies parfois désuètes, mais on l’aimait bien.

Après avoir parcouru deux ou trois stands, Antoine repéra un marchand qu’il n’avait, lui semblait-il, jamais vu. Il alla à sa rencontre, intrigué.

« Bonjour ! Vous êtes nouveau ?

– Bonjour, oui, monsieur, c’est ma première. En fait, je remplace… »

Antoine réfléchit. Qui y avait-il avant à cet emplacement, entre les containers et le grand platane ? Un visage lui revint, dont il ignorait le nom. Une petite femme menue, silencieuse, souvent un peu sombre.

« Je remplace Arlette Lepoux. Elle est… décédée, le week-end dernier.

– Oh ! Navré. Je ne la connaissais que peu.

– Moi pas du tout. J’étais sur la liste d’attente des exposants, ils m’ont contacté dans la semaine.

– Mais ce sont des objets à elle, non ? J’en reconnais quelques-uns.

– Oui, en partie. Appelé au pied levé, je n’avais pas assez de marchandise. Je suis nouveau dans le secteur, vous comprenez ? Comme elle n’avait pas de famille, ni tellement d’amis non plus, le service des marchés a organisé un petit legs, vous comprenez ? »

Antoine comprenait bien, pas besoin d’insister. Il trouvait peu sympathique ce nouveau venu qui tentait de faire sa place en gagnant de l’argent sur le dos d’une femme tout juste partie. Il allait quitter les lieux quand le nouveau l’interpella.

« Hé, jetez un coup d’oeil à ces petites commodes ! Je vous ai vu en regarder sur les stands voisins. Cela aurait fait plaisir à Arlette. »

Un ton familier maintenant, alors que personne ne se connaissait. Antoine allait se chercher une excuse, un rendez-vous pressant, quand il se souvint pourquoi il était venu. Le stand regorgeait effectivement de jolis meubles anciens. Dommage de passer à côté !

Antoine s’approcha, regarda, compara, toucha, sentit le bois. Puis il ouvrit le tiroir d’un petit guéridon, joli, finement sculpté. Horrifié, le referma d’un coup sec. Le vendeur Marius, qui ne le lâchait pas des yeux, s’étonna.

« Quoi, qu’avez-vous vu ? »

Antoine ne répondit pas. Il était livide. Marius insistait.

« Alors ? Que se passe-t-il ?

– Un c… un c… un… , Antoine bégayait, tremblant.

– Un quoi ? Un cutter, ce serait celui d’un déménageur étourdi.

– Non, un c… un c… un…

– Un cahier ? Un carnet ? Pas de quoi s’affoler, je le reprendrai.

– Non ! Un que… un que…, Antoine était au bord des larmes.

– Je ne sais pas, monsieur, faites un effort !

– Un coeur ! Humain, j’en suis sûr ! Encore rouge, presque chaud!

– Un coeur, mais vous êtes fou, monsieur, voyons voir… »

Marius mit la main sur la poignée. Antoine criait et se cachait les yeux avec la main, comme un enfant qui serait allé voir un film interdit.

Marius ouvrit grand le tiroir. Vide. Sans aucune tache ni rien, pas de gouttes de sang et encore moins de coeur battant.

« Il n’y a rien, monsieur, vous avez eu une hallucination.

– Mais non, je vous jure !

– Voyez vous même : rien. Je peux y mettre la main, je ne sens rien.

– Incroyable ! C’est un tiroir truqué, vous savez, comme les magiciens avec les boîtes à double fond, où ils cachent des filles pour les retrouver après ! »

Antoine avait débité ces mots à toute allure. Il était toujours aussi pâle, les yeux rivés sur le tiroir désespérément vide.

« Faut vous reposer, mon vieux. Allez prendre un café, ou alors rentrez chez vous et faites un petit somme ! »

Antoine ne répondit pas. Il fit un vague signe de la main pour signifier qu’il approuvait ces deux propositions, ou l’une seulement, allez savoir, et quitta la place. Il marchait d’un pas mécanique, comme si toute l’humanité qui l’habitait normalement avait disparue. Il se sentait épuisé, et à vrai dire, presque fou.

S’il avait été plus courageux, il aurait vérifié une seconde fois, avant que Marius ne s’empare de l’affaire et le ridiculise devant les quelques badauds qui avaient assisté à la scène. Car le cri avait attiré les gens qui n’avaient, à ce moment précis, rien de spécial à faire. Ils sont souvent comme ça les gens : quand tout va bien ils ne s’affolent pas, et lorsqu’un drame surgit, ils accourent.

En quelques minutes, Antoine avait acquis une réputation d’illuminé. Cela allait le suivre pendant un bout de temps, dans sa tête seulement ou en vrai, jamais il ne saurait. Déjà au café, le tenancier ne le regardait pas comme d’habitude. Antoine y allait tous les samedis, prendre une boisson, voire manger une omelette si la matinée était déjà bien avancée. M. Poiton, patron des lieux, le connaissait bien, mais il avait aujourd’hui grise mine et ne semblait pas disposé à discuter.

Antoine but donc son café sans dire un mot et s’attaqua au journal – en fait celui de la veille – pendant que la boisson refroidissait. Les actualités communales le déprimèrent au plus haut point : que des faits divers. Il n’aimait pas tellement cette feuille de chou, mais elle était devenue ce matin d’une compagnie plutôt réconfortante.

A mesure qu’il parcourait la rubrique des chats perdus, puis les images du chantier de la gare qui prenait du retard, ses battements de coeur s’espacèrent. Enfin son rythme quoi, il n’allait quand même pas parler de coeur après ce qu’il avait vu…

Chiens écrasés donc, une publicité pour un appareil de fitness à domicile à vous faire des abdos de rêve, page 7, et en plein milieu de la gazette, les traditionnels cadres noirs de la rubrique nécrologique. Antoine allait comme à son habitude zapper purement et simplement la double page funeste, quand soudain…. Un portrait d’Arlette, la dame aux antiquités, décédée le dimanche précédent. Une liste longue comme le bras de gens émus, ce qui semblait être de la famille, des amis, tout ce que Marius avait dit qu’Arlette ne possédait pas.

Antoine découpa discrètement, sans rien demander au patron, l’encadré qui l’intéressait. C’était le journal de la veille, plus personne n’en voudrait.

***

Par où commencer ? Une fois assis dans son fauteuil, le chat sur les genoux, Antoine ressortit le papier de sa poche. Un peu froissé, tant pis, tant qu’il est encore lisible. Non, Noisette, tu ne joueras pas avec, bien trop précieux ! Une enquête à mener, c’était plutôt excitant ! Alors, ces gens… Les trop proches, ce n’étaient pas les premiers à contacter. Ils détiendraient certainement des informations importantes, voire cruciales, mais trop d’émotions, cela s’annonçait délicat. Il fallait commencer par le bas de la liste. Les familles parentes et alliées, les cousins lointains, les amis.

Noisette fut jeté au sol, de manière assez brutale. Normalement, un chat retombe toujours sur ses pattes, mais Noisette n’était plus tout jeune. Il s’affala dans un premier temps sur le tapis d’Orient, avant de se donner du courage pour se relever. Antoine s’excusa. Il avait besoin de l’annuaire téléphonique.

La première source d’information, Monique Lafleur, à côté de qui aucun lien de parenté ne figurait, ne répondit pas. Le deuxième nom choisi, Thérèse Maloutte, nièce, décrocha et s’annonça de son nom.

« Bonjour Madame, je… » Antoine ne savait à vrai dire pas comment s’y prendre. Il n’avait pas pris le temps de se préparer. « Je… est-ce que vous connaissiez Madame Arlette Lepoux ? 

– Oui, bien sûr. C’était ma tante. Mais qui êtes vous ? »

Antoine se présenta. Il improvisa :

« J’enquête sur son décès. Dans quelles conditions a-t-elle disparu ?

– Vous êtes quoi, journaliste ? Flic ?

– Aucun des deux, à vrai dire.

– Alors en quoi est-ce que cela vous regarde ?

– Et bien, je…. » Antoine s’embrouillait, il ne trouvait pas de mots.

Elle avait pris un ton sec et avait du reste raccroché. C’est malin, se dit Antoine. J’aurais mieux fait de dire la vérité.

Troisième tentative avec Gabriel Manzano, sans mention. L’homme répondit, mais comme l’interlocutrice précédente, refusa de raconter quoique ce soit à un inconnu. Antoine se demanda ce que ces gens avaient à cacher. Quand on perd un être proche, on ne se méfie pas d’une vague connaissance qui s’intéresse au défunt.

Il existe quelque chose d’utile dans ces circonstances, pensa Antoine, quand on a besoin rapidement d’une information, c’est Internet. L’ordinateur était couvert d’un drap, car rarement utilisé. Pour éviter la poussière. Antoine était assez maniaque, dans son genre.

L’ordinateur ronronna, presque autant que Noisette. Arlette Lepoux n’était pas la seule Arlette Lepoux. Un peu de tri s’imposait avant de trouver la bonne. Lorsqu’Antoine y parvint, il tomba sur une photo datant d’il y avait bien dix ans. A l’époque, elle était présidente d’un club de tricot. Rien par contre sur ces dernières années. Rien sur le décès, rien de sordide.

Antoine parcourut les pages pendant une bonne demi-heure. Les « preuves » étaient aussi anodines que le statut de présidente du Tricot-Club : contributrice à un blog d’échange de recettes de pâtisserie, membre de l’association des parents d’élèves, ce qui datait d’il y a quelques temps déjà.

Arlette avait septante-deux ans à son décès.

Antoine allait fermer le navigateur quand quelque chose attira son attention. Sur une photo d’école, où Arlette semblait attendre son fils en arrière-plan – le gamin faisant des grimaces avec ses copains – figurait un jeune homme, sans doute l’enseignant. Incroyable, il ressemblait comme deux gouttes d’eau à … Marius, le type du marché. Antoine ne l’avait pas vu longtemps ce matin, mais en était quasiment sûr. Même avec la différence d’âge, cela sautait aux yeux. Il devait imprimer la photo, retourner au marché, comparer les deux visages, interroger.

« Re-bonjour, vous ! Il faut que je vous parle !, s’exclama Antoine.

– Ah tiens ! Cela va mieux, monsieur ? Vous avez pu faire une sieste ? On y voit plus clair ? »

Déjà, Antoine n’aimait pas ce ton. Moqueur, condescendant, ça n’allait pas se passer comme ça.

« Il est où le meuble de ce matin ? Je dois le regarder encore une fois !

– Pas de chance, monsieur. On me l’a acheté il y a une petite heure.

– Qui ? Où ? Je dois le retrouver.

– Comment ça qui ? Je n’en sais rien ! Je ne demande pas la carte de visite de tous les gars à qui je vends quelque chose !

– Et bien, vous devriez ! Pour un débutant, c’est plus prudent.

– Débutant ? Vous vous permettez beaucoup….

– Vous avez admis ce matin être nouveau dans le domaine. Que faisiez vous avant de faire dans le vieux meuble ?

– Quelle est cette curiosité mal placée ? Et bien, pour tout vous dire, ….

– Prof ? Vous étiez enseignant, c’est ça ? » Antoine ne pouvait s’empêcher de l’interrompre.

Marius rit. « Vous êtes bien renseigné, j’ignore comment ni pourquoi. Mais non, ça, c’était il y a bien longtemps. J’étais dans l’horlogerie ces dernières années. »

Marius avait été prof. Il y a longtemps. Aussi longtemps que la photo ne datait pas d’hier. Ce qui semblait être sa femme s’approcha pour l’aider à emballer ses affaires. Elle salua timidement Antoine. Ce dernier se dit qu’il en avait assez vu pour aujourd’hui et que ce ton intrusif n’était pas le plus adapté pour qu’on se confie à lui. Marius semblait plutôt s’être renfermé comme une huître.

La semaine passa sans sourciller. Les pensées d’Antoine allaient à ce vieux guéridon qui avait filé, on ne savait où. Comment retrouver sa trace ? Etait-il même encore en ville ? Le marché attirait des gens de toute la région, les pistes à suivre étaient infinies… Pour une fois, la chance joua en sa faveur. L’attente fut écourtée.

Mercredi matin, comme à son habitude, Antoine s’installa au café sur le coup des huit heures, après avoir déposé sa petite-fille à la crèche. Il devait la reprendre à onze heures trente, ce qui lui laissait toute la matinée. L’habitude le mena au journal local :

« Sordide : un coeur humain retrouvé dans un meuble d’antiquaire. » Le sang d’Antoine ne fit qu’un tour. Il lut, frénétiquement, la suite : « Monsieur Gorbet, domicilié à Saint-Louis, se rend au marché aux puces samedi 23. Il y acquiert un magnifique guéridon du XVIIe siècle, pour une somme plutôt coquette. En rentrant chez lui, il se rend compte que l’un des tiroirs bloque sérieusement. Le double-fond se décroche alors, laissant apparaître dans une cavité au fond du meuble, un véritable coeur humain. Alertée, la police locale ne peut que constater la supercherie. »

Antoine peina à se tenir sur sa chaise, son coeur – à lui – battait à cent à l’heure, ses mains tremblantes ne parvenaient pas à tenir la petite cuillère destinée à recueillir le sucre collé au fond de la tasse. Antoine paya et sortit précipitamment, à la surprise de ses amis Roger et Thierry qui entraient justement pour leur partie de cartes hebdomadaire. Quel tourbillon ! Antoine se rendit à la cabine téléphonique la plus proche, y composa le numéro de la police locale. Pas plus de succès qu’avec la famille d’Arlette. Il n’était pas le seul curieux friand de scandales à demander depuis ce matin des détails croustillants sur l’affaire du guéridon. Difficile de prouver qu’il avait également été concerné.

Samedi à la première heure, Antoine avait une place de choix. Enveloppé dans une couverture sur la terrasse des Ormeaux, en première loge pour le spectacle. Il les aurait imaginés plus tôt, mais c’est à 10h20 que les policiers arrivèrent, munis de menottes. Ils s’arrêtèrent au stand de Marius, guidés par M. Gorbet. « Vous n’allez pas vous en tirer comme cela, escroc ! », vociférait ce dernier, alors que l’antiquaire prenait l’air le plus étonné du monde.

Antoine avait presque envie d’applaudir, tant la scène était fidèle à ses attentes. Le vendeur, entouré des deux gendarmes, ne traîna pas. Il avait maintenant un air presque penaud, après s’être débattu puis avoir affirmé « qu’on s’expliquerait à l’écart, et vite ».

De retour chez lui, Antoine fonça à son ordinateur. L’avantage d’Internet, c’est qu’une information en amène facilement une autre, comme une pelote de ficelle que l’on déroule. Retour sur la photo découverte quelques jours plus tôt. Un lien direct sur le site même de l’école, section archives. A force de chercher, comme assoiffé d’informations morbides, Antoine finit par tomber sur un ancien numéro de la Gazette des Flots, daté de septembre 1987.

« Procès abouti : une mère d’élève crie victoire devant un désormais ancien enseignant, réputé colérique et violent. » Antoine dut relire plusieurs fois certains passages, tant l’histoire lui paraissait absurde. Madame Arlette Lepoux avait à l’époque mobilisé un maximum de parents d’élèves pour dénoncer les pratiques d’un certain Martin Duchênes.

Grand ami du directeur d’établissement, celui-ci avait été tacitement protégé pendant des années, jusqu’à ce que cette femme courageuse et particulièrement indignée mène la lutte et la remporte.

Les choses devenaient plus compréhensibles. Le Martin/Marius avait décidé de se venger, des années après. Tuer, c’était quand même une sacrée vengeance ! Mais quel lien maintenant avec ces meubles, pourquoi s’en être accaparé ? Pourquoi la famille n’avait-elle pas réagi ?

Le lendemain, rien dans le journal. Rien sur la chaîne de télé locale. Ce n’est pas croyable !, se dit Antoine. Il avait l’impression de faire un mauvais rêve, ou de vivre dans un autre monde. Il avait eu tort de s’investir autant dans cette affaire, mais maintenant qu’il y était plongé, il avait bien l’impression d’y nager seul.

Il eut cependant une idée. En périphérie se trouvait le centre pénitentiaire de Roullebeuf, qui recevait tous les délinquants de la région. Il prit le bus n°9, puis un RER ligne B, se trompa de sens, descendit en rase campagne, patienta une demi-heure pour retrouver un train allant dans la direction opposée. Il était quasiment midi lorsqu’il atteignit l’établissement et se dirigea vers l’entrée visiteurs.

Il prétendit être un proche, appréhendant naturellement qu’on n’accepte que la famille, mais surprise, le geôlier hocha la tête sans sourciller et fit signe à Antoine de le suivre. Ce dernier n’était jamais entré dans une prison de sa vie et sentit sa gorge se serrer, les bras couverts de chair de poule.

Les deux hommes parcoururent plusieurs longs couloirs, tournèrent à droite, puis à gauche, puis encore à droite, jusqu’à ce que le gardien s’arrête, se tourne vers Antoine et annonce froidement : « Vous avez quinze minutes ».

Antoine espérait que le gardien reste dans les parages, surtout pour le retour à la case départ, qu’il n’était pas sûr de vouloir faire seul. Pourtant, il vit l’uniforme gris disparaître dans l’obscurité des couloirs silencieux. Son angoisse augmenta d’un cran.

« Encore vous !, beugla une voix de l’autre côté des barreaux. Vous n’allez pas me lâcher, hein, pour me suivre jusqu’ici !

– J’ai besoin de comprendre et j’ai pensé que vous étiez encore le mieux placé pour…

– Hahaha ! Ah ces vieux, ils ont vraiment du temps à perdre !

– Hé, je vous en prie, et puis je vous rappelle que je suis le premier à être tombé sur votre meuble… dégoûtant…

– Bon, et quoi ? Cela mérite à ce point le déplacement ?

– Pourquoi avez-vous tué cette pauvre femme ? Et pourquoi teniez-vous à récupérer ses meubles ?

– Hahaha, disons qu’il faut être inventif, quand on en veut à quelqu’un ! Sans ce coeur oublié, rien ne ce serait su !

– Je ne comprends pas…

– Maintenant foutez moi la paix ! Fou-tez-moi-la-paix ! »

Le détenu hurlait, comme soudainement emporté par une fureur sans nom, alors qu’il était encore tout sourire la minute précédente. Avec le bruit, le gardien revint en courant. Antoine n’insista pas et le suivit jusqu’à l’accueil.

« Il peut s’énerver tout ce qu’il veut, il risque grandement la perpétuité, prononça le gardien d’une voix monocorde, sans aucun état d’âme.

– Mais alors, il a tué, on est d’accord ?, risqua Antoine, soulagé de rencontrer quelqu’un qui vivait dans la même réalité que lui.

– C’est clair, et le mec est vraiment torturé, ajouta le gardien. S’en prendre à une femme qui l’a déchu de son poste il y a quinze ans en arrière, sous prétexte qu’elle a gâché sa carrière, foutu sa vie en l’air, qu’il n’a pas su se reconstruire après ça. Pendant quinze ans, il l’a suivie, pistée, traquant ses moindres faits et gestes, en imaginant le crime parfait.

– N’est-ce pas un peu démesuré ? Tuer une femme qui n’a fait que dénoncer des choses qui pourtant se savaient ?

– Il est dérangé, je vous dis. Avec le temps, sa haine n’a fait que croître, conforté dans l’idée qu’elle seule avait gâché son existence. Il connaissait parfaitement ses allées et venues au marché. Il a dû la coincer quelque part sur la route, la tuer proprement, et puis pour être le plus discret possible, déposer les différentes parties…

– Dans les meubles ! Mais c’est immonde !

– …

– Et puis, il a suffit qu’il oublie un petit détail…

– Pour que tout se sache, oui, pas très finaud… »

Antoine eut plusieurs violents haut-le-coeur à force d’imaginer la scène. Le gardien l’enjoignait gentiment à se diriger vers la sortie, mais Antoine insista pour une dernière question.

« Et la famille, les proches, est-ce qu’ils ont su ? Comment ont-ils appris sa mort sans voir le corps ?

– Ah bin ça c’est simple. Martin leur a envoyé à chacun une lettre menaçant que s’ils essayaient la moindre dénonciation, il leur réservait le même sort… Ravagé je vous dis ! »

Commentaires (1)

Pierre de lune
20.10.2016

Antoine, un futur "Hercule Poirot" ? Il semble particulièrement apprécier les enquêtes policières. Au plaisir de lire un prochain épisode :-)

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