Créé le: 27.12.2016
2693 0 1
24 décembre

Polar

a a a

© 2016-2024 Sophie Olivier

A Jacques Defondval webwriter sur Webstory
Reprendre la lecture

24 décembre

Bonsoir Jacques,

C’est étrange comme on peut s’adapter à ce que l’existence nous présente. Je me suis rendue ce soir chez ma sœur pour le réveillon de Noël. Refuser cette convention non dite mais implacable m’aurait mise dans une situation intenable. Elle veut tellement bien faire. Mentir pour éviter de participer au culte joué de la famille unie m’était encore plus compliqué que mentir sur les pensées qui m’occupent. C’est en revenant chez moi que j’ai ressenti combien avait été épuisant ce théâtre convenu. Dans ma couverture je me suis tapie et je suis restée devant « Arte », à regarder « Les trésors oubliés de la Méditerranée ». Il m’a fallu ces deux heures de vague distraction pour couturer cette dichotomie entre ce que j’avais dû montrer et ce qu’il en est. Seule devant mon clavier, maintenant, je trouve enfin un espace pour parler.

Hier, j’ai fait ce que je devais. Comme je l’avais pressenti, M. n’a pas compris immédiatement qui j’étais. J’ai dû expliquer. Quand il a entendu la raison de mon appel, il a d’abord refusé toute rencontre. Mais comme je te l’ai dit, repousser une proposition de pardon c’est être soi-même insensible et dur. Je ne connais que peu de personnes capables de soutenir cette image d’eux-mêmes. J’ai patiemment attendu qu’il avance de lui-même vers un assentiment, même si celui-ci a été arraché. Mais cela en valait la peine. Il a rendu plus concrètes mes idées en me proposant de nous voir chez lui le 30 décembre. Pour me recevoir, je sais qu’il sera seul. Il ne voudra pas de témoin. Je sais maintenant que je peux créer les conditions de confiance. Le GHB est prêt. Je l’ai soigneusement dosé pour être certaine de son efficacité létale. J’aurai aussi préparé la couverture chauffante dans laquelle je m’endors désormais tous les soirs. Pour moi et pour tous, le 30 de ce mois, l’erreur aura été gommée. Demain, comme prévu dans mon plan de travail, j’irai prendre ma place habituelle et accomplirai toutes les tâches coutumières. Je ne veux surtout rien changer jusqu’au moment de la délivrance. Je t’écris en attendant le sommeil et l’oubli. Je regarde la rue illuminée au loin. Derrière le clinquant de Noël, il n’y a que le noir.

 

Suite: Lettre de Sophie Olivier du 30 décembre

Commentaires (0)

Cette histoire ne comporte aucun commentaire.

Laisser un commentaire

Vous devez vous connecter pour laisser un commentaire