2023 Témoignage d’Astrid Bartell – 1er Prix

‘D’abord, la pluie.’ Puis très peu après, la main de Michelle, ma fille Chérie, qui serre la mienne alors que les phrases défilent. Juste pour m’assurer que ben non, c’est pas un rêve. Est-ce que deux textes peuvent avoir autant de phrases en commun? Et si c’était pas le mien qui était lu avec autant de cœur que de talent? Et tout d’un coup, là-haut dans les Abeilles, le sourire de mon Père, paysan modeste malgré sa licence Grec-Latin et tout son savoir classique. Et là-haut, dans les Abeilles, les clins d’œil de ma Mère presque infirmière qui m’a transmis toute sa cuisine, toute sa couture, toute sa pâtisserie, tout son tricot. Les visages de mes Parents sont là, eux qui m’ont donné la Vie, le Respect des Livres et de leurs Auteurs, l’Amour de la Terre et de tous les délices qu’Elle sait faire pousser, tous ces fruits et ces légumes qui régalent autant qu’ils nourrissent. Et là, tout près de moi, mon équipe, trois trentenaires créateurs d’objets, mes trois Artisans favoris et mon soutien le plus indéfectible. Sur ma chaise, moi. Qui sourit, et sourit, et n’arrête pas de sourire. Et qui savoure chaque pas qui mène à la scène quand mon nom d’emprunt, le nom de jeune fille de Lina, ma grand-mère maternelle, est prononcé. Et pour brièvement revenir à ‘Chroniques’, sa source est un truc enfermé dans mon ordinateur, un texte d’une cinquantaine de pages que j’ai d’abord appelé ‘Cartes postales des 60’s’ et ‘Tartinettes’ ensuite et dont la composition va d’octobre 2019 à juillet 2022. Des tartines à la genevoise, certaines vraiment très p’tites, d’autres plus longues, une collection de vignettes que j’ai hyper compressée pour obtenir ‘Chroniques’. Toutes deux ont la magnifique Terre Nourricière de la campagne genevoise comme cadre, comme fond, comme filigrane, comme avant-plan, comme personnage principal, comme thème récurrent. Parce qu’à chaque pas, la Terre me soutient comme une Mère et qu’à chaque repas, elle m’émerveille et me nourrit comme une Mère, la Terre.

1er Prix: Chroniques d’Astrid Bartell

MOT DU JURY:
Intervention de Dominique PRETRE, enseignante retraitée histoire et français, membre de la Société des Arts.

Cher public, chers membres de Webstory, chers écrivains,

C’est un honneur pour moi de vous présenter le premier prix de cette année 2023. Le choix du Jury s’est porté sur une nouvelle magnifique dont le thème central est une évocation de l’enfance paysanne de la narratrice.

Ce texte m’a charmé tout d’abord par l’originalité de son style. Les phrases sont courtes, parfois sans verbes, et, grâce aux effets de répétitions et d’accumulations, l’auteur réussit à faire émerger tout un monde enfoui qui semble être le nôtre aussi car tous nos sens sont convoqués. Ainsi, grâce au toucher et à l’odorat, nous sommes plongés dans une intimité ancienne.

J’ai apprécié la richesse de ce récit joyeux et plein d’humour qui nous place à la hauteur des yeux d’une enfant. Celle-ci découvre que le monde est vaste devant sa maison. Les animaux comme les humains y ont leurs savoir-faire extraordinaires et leurs bizarreries. Les arbres eux-mêmes semblent n’en faire qu’à leur tête.

Pourtant au-delà du monde magique propre à l’enfance, notre auteur ne gomme pas les difficultés du monde agricole de cette époque. Et nous saisissons par petites touches combien cet univers-là a peut-être bien disparu parce que nous sommes devenus trop grands.