Le passé du futur

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Dérouler le fil quotidien, aussitôt vécu, aussitôt disparu. Retenir les filaments pour les grands enfants...
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Il y a trente ans, tout était différent et dans trente ans ce sera pareil. Cette journée est la première d’une série qui accompagnera mes petites-filles plus tard. Un témoignage d’un maintenant qui ne sera plus et qui restera introuvable, sauf s’il reste des témoignages. Le voici, déguisé en banalités au quotidien.

29 décembre - Au commencement

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Autour de moi bouillonne la vie, depuis des millénaires. Nous sommes des milliards, entremêlés, respirant le soufre et l’arsenic dans une obscurité permanente. Nous grignotons la roche et parfois nous-mêmes dans une fournaise qu’aucune autre espèce ne supporterait. Nous mettons des centaines d’années à nous reproduire, et des milliers d’années à mourir lentement. De quoi? Chaque jour, tout nous manque et pourtant la vie perdure nous condamnant à survivre. La désignation du « Je » n’existe pas pour les néctapodes autotrophes staphillaires.

14 novembre - La forêt d'à côté

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Il faut nuit, mais une lueur omniprésente plane dans le ciel, cachant les étoiles. Il y a les lumières d’une ville lointaine, des réverbères qui bordent le chemin ainsi que les spots de la place des forains installés depuis quelques années en face de ma fenêtre, de l’autre côté du bois. Le bois ou « la forêt » est le trésor de ce quartier. Mes enfants y ont joué maintes fois aux indiens, aux pirates, à cache-cache, à tous les jeux qui existeront toujours, je l’espère. Quand j’étais petite, nous avions des terrains vagues, lieux sauvages où seuls les enfants s’aventuraient.

Le bruit du ruisseau est un délice permanent, tantôt furieux, tantôt cristallin et discret. Vers cinq heures, un oiseau étire son chant mélodieux. C’est un rappel au bonheur. Et puis un deuxième. En hiver, on entend moins les oiseaux. Mais l’été, c’est un véritable concert, le meilleur des réveils.

Un bruit chuintant approche, régulier et monotone. Il amplifie et tout d’un coup, je reconnais le passage du premier train qui berce les pendulaires se rendant en ville. Ce bruit fait violence à la mélodie de la forêt. Telle une machine infernale, il passe dans un fracas assourdissant, s’atténue et disparaît. L’aube est encore jeune, mais bientôt, un train tous les quarts d’heures va user les nerfs de tout ce qui est beau et vivant. Le chant de l’oiseau, un instant inaudible, revient. Heureusement, le covid (je t’en parlerai) à réduit la cadence des trains.

Mon chat sera le premier à s’étirer et partir en repérage sur le balcon. Puis, il vient me dire par des miaulements plaintifs qu’il est temps de lui servir son petit-déjeuner. Mais d’abord, un peu de flemme. Il devient difficile d’ignorer que la journée a commencé. D’ailleurs quel temps fait-il ? Les gens parlent de la météo tout le temps. La température est bien trop douce pour la saison. J’ai même vu de la dent-de-lion pousser, alors que nous sommes en novembre. Sans me presser, je m’habille et sort à la rencontre du jour.

Les voitures parquées le long du chemin se ressemblent, comme les gens qui les conduisent. Une à une, elles se mettent en mouvement pour rejoindre la file de véhicules qui occupent la route. Une voiture, une personne. Certains écoutent la radio, d’autres parlent à leurs mobiles, le regard fixement accroché au capot de la voiture qui les précède. Traversant mon quartier, je salue la voisine qui promène son chien, les divers concierges qui balaient devant les immeubles. Je vérifie que mes arbres préférés ont encore quelques belles feuilles d’automne accrochées aux branches. Quelques enfants se dirigent à pied vers l’école du quartier, un cartable sur le dos, tenant la main d’un parent d’une grand-mère ou de personne.

Le deuxième lieu de convergence est le café. Les ouvriers font leur pause matinale, laissant leurs camionnettes d’entreprises sur la zone bleue. Bien avant l’heure d’ouverture, Manuela s’affaire dans le pressing. D’ailleurs, la pharmacie est encore fermée. Les gens se croisent, se saluent et discutent… du temps.

Si je ne m’arrête pas au café, je rentre préparer mon petit-déjeuner. Parfois, je reste un moment dans le triangle magique entre les arbres pour faire quelques mouvements de gymnastique. Le tulipier du parc a vraiment souffert de la sécheresse cette année et ne survivra peut-être pas. Allez, je rentre.

5 décembre - Vive Tchernobyl

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Dans longtemps, cette forêt sera entourée d’une jungle, ou peut-être n’y aura-t-il qu’une jungle de béton. En trente ans, les vergers aux alentours ont disparus. Ainsi que les petites maisons charmantes, les terrains sauvages, les champs. Ce qui prolifère, c’est le bruit et le verre. A propos d’espace préservé, il reste Tchernobyl. Les animaux et les plantes occupent avec bonheur un terrain prohibé aux êtres humains, très loin dans une forêt en Russie.  Ce mot ne te dira rien et pourtant ta maman avait 2 ans. Je me souviens qu’après la catastrophe nucléaire, il y eut une pluie. Certains disaient qu’il ne fallait surtout pas sortir sans parapluie, car cette eau qui tombait si gaiement du ciel était contaminée. Pendant trente ans, nous nous sommes méfié des champignons.

Les néctapodes ne connaissent ni la pluie, ni le ciel. Ils viennent du fond des âges et sont unicellulaires, donc immortels. Il y a 230 millions d’années, de grands reptiles gouvernaient la Terre. Ils disparurent lors d’une catastrophe céleste. Puis ce fut le tour des mammifères, qui disparaîtront probablement suite à une catastrophe humaine. Les prochains régnants sont les néctapodes, mais personne ne le sait. La Terre réduit peu à peu la taille de ses habitants, une solution comme une autre agrandir l’espace qui nous reste.

 

6 décembre - Les enfants de nulle part

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Mon frère et moi venons de nulle part. Fait surprenant que je réalise présentement. Mon père venait d’Orient, ma mère d’Occident. Ils se sont aimés et ont embrassés une carrière migratoire dans l’hôtellerie, quittant le pays de leur enfance pour voyager. Un pays d’origine, c’est quoi ? Le lieu de naissance ou le lieu de l’enfance ? Née dans un lieu où je n’ai pas vécu, l’expression « retourner chez moi » ne signifiait rien. Nous changions de pays, de culture, de langue, d’habitation et d’école tous les dix mois, deux ans, six ans… C’est avec fierté que je peux me vanter d’avoir réussi mon bac français après avoir changé neuf fois d’école en quinze ans, et dans quatre langues. Il y a des avantages. Je m’adapte à tous les environnements, comme les néctapodes. Lorsqu’on vient de nulle part, cela ne signifie pas nécessairement qu’on va nulle part.

8 décembre - Etre libres

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Si, pour les dinosaures, le monde n’évoluait que très lentement, pour nous, Homo sapiens, projetés sur Terre il y a environ 300 000 ans et dont l’existence se terminera probablement au 21e siècle, les changements sont considérables. Mes grands parents disaient la même chose de leur temps que j’ai eu la chance de vivre un moment. C’est ainsi que se superposent les générations. Enfant, je vivais dans les parfums du 19e siècle chez ma grand-mère, mangeant des confitures, conserves et gâteaux « maison ». Elle avait porté des corsets et réalisé tout son trousseau de mariage. Ma mère n’a rien cousu du tout et sa taille ondulait librement. Les enfants des années folles jusqu’aux années hippies, étaient libres. Les adultes ne s’en préoccupaient pas. Nous pouvions jouer dehors dans les terrains vagues, voler des mûres dans les jardins, jouer aux cow-boys avec des bâtons… la seule consigne étant de rentrer pour le souper (mot suisse pour dîner). Les enfants du 21e siècle ne sont pas libres. Ils sont sous haute protection.

7 janvier - La mine

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Le 21 décembre 2018, la mine Prosper Haniel, dans la Ruhr, ferme ses portes après 150 ans d’exploitation. Elle ferme parce que d’autres mineurs, ailleurs dans le monde, travaillent dans de mauvaises conditions, mais leur travail est rentable. A 1200 mètres de profondeur, les derniers mineurs terminent la journée comme si de rien n’était, alors que c’est leur monde qui bascule. Comme basculera le nôtre, le tien. Certains travailleurs en col blanc se plaignent de travailler, alors que d’autres, comme les mineurs, sont fiers de ce qu’ils ont accompli. Etre conscient de son utilité, aimer son travail, quel qu’il soit est la plus belle des sensations. Créer, un trait qui définit notre espèce. Pour les néctapodes, il suffit d’être reliés et de penser ensemble. Ils ont en commun avec les mineurs, d’occuper les grandes profondeurs. Aujourd’hui, tu t’es cassé un bras en tombant. Un mois de plâtre. N’est-il pas étrange que les enfants de ton âge sont appelés des mineurs ?

4 août - La Comète

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En passant devant un kiosque à journaux, j’ai découvert le Météore, journal imprévisible en images paraissant tous les lundis 13, ce qui a été le cas en janvier, avril et juillet totalisant trois numéros pour 2020. Dans ces circonstances, l’abonnement est uniquement pour la vie. Le prochain numéro paraîtra le 13 septembre 2021… Une rareté attendue!

Coïncidence cosmique, une comète baptisée Neowise a traversé le ciel de juillet. Une comète, c’est comme une étoile filante qui s’arrête. Depuis quelques années nous avons inventé le terme pollution lumineuse pour désigner l’éclairement artificiel du ciel nocturne. Les enfants de certaines grandes villes ne voient jamais les étoiles et bien sûr aucune comète, ni météore tellement nos lumières masquent la nuit. Tout proche de nous, parmi les nombreuses étoiles, tournent des millions de déchets, comme un tintamarre de casseroles de haute technologie spatiale laissées en orbite là où il reste de l’espace. Phénomène rare et magique, Neowise reviendra dans 6800 ans. Qui se souviendra de son nom savant ?

Dans le sujet « casseroles volantes » il y a les soucoupes, très prisées dans les années 60. Un secret bien gardé qui ressort au grand jour en ce moment, juste après le Covid qui a en commun avec la soucoupe, sa provenance mystérieuse. Divulguée à la télévision dans un documentaire par la Nasa, c’est un grand moment de vérité historique.

La question qui revient systématiquement: mais les extraterrestres, sont-ils « gentils » ou « méchants »? Et l’homo sapiens… il est gentil? De toute façon, on ne sait toujours pas qui a tué le Président Kennedy… Un néctapode ou un extraterrestre?

24 octobre - L'heure du soleil

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Le changement d’heure en été a connu plusieurs éclipses. En Suisse, pendant la IIe guerre mondiale (ma petiote, je reviendrai sur ces guerres). Dans les années 1941 et 1942 l’heure d’été dura de mai à octobre pour économiser l’énergie. C’est difficile à comprendre puisqu’il y avait déjà un couvre-feu et que l’énergie, ils la gaspillaient ailleurs… passons. Puis, partie remise en 1977 en Europe et 1981 en Suisse à cause de la crise pétrolière. L’Europe et la Suisse ont rarement vécu à la même heure. Il faut dire que chez nous, les vaches, si elles pouvaient voter, ne changeraient pas l’heure à cause de la traite. Et finalement, il est quasi prouvé que l’économie d’énergie est un leurre et que les conséquences de ce yoyo lumineux est plus néfaste pour la santé qu’autre chose. Sur le site du parlement, ce dernier précise que ce n’est pas pour économiser l’énergie que la Suisse a adopté l’heure d’été, mais pour harmoniser l’heure de notre pays avec celles des pays voisins. Une première mesure bilatérale en somme. Notre pays, fabricant de montres, remonte ses aiguilles? Le comble. Continuons à citer le parlement: Il est en outre prévu que la loi réglementant l’heure soit intégrée dans la loi fédérale sur la métrologie entièrement révisée.

La plus ancienne partition du monde (baptisée H6 par des chercheurs sans poésie), écrite en cunéiforme, date d’il y a 3500 ans a été trouvée à Ougarit. Elle vient d’Assyrie, une région en guerre actuellement. C’est un hymne sacré hourrite pour la gloire de Nikkal, déesse du verger et femme du dieu de la lune Yarich. Le lune change de sexe selon les époques, les croyances et les cultures. La vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de hier.

Aujourd’hui, 24 octobre 2020, nous changeons à nouveau d’heure. Aujourd’hui, j’ai vu derrière les montagnes du Jura, les restes d’un coucher de soleil. Oui, juste un morceau de boule de feu. Et chose étrange, il m’a semblé que le soleil remontait un peu dans le ciel au lieu de disparaître. Juste un mouvement de respiration défiant la logique céleste. J’ai peut-être rêvé…

11 novembre - Parfum de glaces

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Tu adores les glaces et malgré ton jeune âge, tu n’as pas ton pareil pour manger une glace sans en perdre une goutte. Les glaces sont disponibles toute l’année à profusion. Il y a même des designers de glaces, des créations de parfums et de textures pour appâter les gamins toujours plus sollicités par l’industrie. Quand j’étais petite, les glaces ne se vendaient qu’en été. A l’image de la tradition du marronnier de Genève dont le premier bourgeon annonce le printemps, je surveillais, comme tous les gamins de Lausanne, l’installation du stand de glaces contre les murs de l’église St.-François. Une dame qui ressemblait à une babouchka, réapparaissait telle une sorcière bénéfique avec la saison d’été. Aucun gamin ne ratait cette apparition d’autant plus qu’on était tous dehors pour jouer dans les rues, dans les jardins, dans les terrains vagues. Les enfants traînaient leurs parents par la main comme un chien tire sur sa laisse. Il y avait trois parfums: vanille, chocolat, fraise enrobés de chocolat. Les yeux brillants, nous regardions la babouchka ouvrir le frigo fumant hébergeant ces trésors. Notre plaisir était plus intense, multiplié par l’attente et la rareté. Un jour, il n’y eut plus de stand de glaces à St.-François et la vieille dame s’était dissoute dans le passé.

Tu vis dans une société où l’offre est permanente, abondante et glacée, malheureusement dénuée de tout désir. N’oublie jamais que rien ne remplace le plaisir de ramasser les marrons qui tombent de l’arbre et que nous préparons ensemble le plateau de Noël du premier décembre.

6 décembre - Ca sent la neige

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Ma grand-mère savait lire dans le ciel. Parfois elle sortait une phrase totalement mystérieuse comme Ca sent la neige J’avais beau contempler le ciel, humer l’air autour de moi… pendant des années, aucun indice ne me donnait la clé de ce mystère.

Mardi, je suis venue te chercher à l’école. Tu m’a expliqué que cette petite étoile de neige en plastique irisé accrochée à ton pull, était un flocon magique. Je t’ai dit «  Et bien demande à ton flocon d’exaucer un vœu, par exemple qu’il neige ».
Tu as dit « D’accord » et de retour à l’école, tu as constaté que tu avais perdu ton flocon. Sans grand espoir, j’ai refait le chemin te promettant que j’allais le chercher. Et puis, je l’ai trouvé et il a neigé le lendemain. Les flocons existent et la magie aussi. Uniquement si tu y crois.

Il neige de moins en moins en plaine, car les hivers se réchauffent. Tu ne verras peut-être plus la neige d’ici quelques années. Ta maman avait un ans, en 1985, quand il a tellement neigé que nous sortions en ski de fond depuis la maison. Plus de voitures, plus de bruits, des enfants qui jetaient des boules de neige, tout le monde souriait car le monde s’était arrêté dans un paysage féérique. Puis il y eut le froid de 2012, une année charnière, où le lac a gelé. Des voitures restaient immobiles sous un manteau de glace sur le quai de Versoix, les canards marchaient sur la glace et le vent avait figé des sculptures de glace stupéfiantes. Encore un spectacle givré qui nous a enchanté.

Ton héroïne préférée est la Reine des neiges, celle de Walt Disney. Ce n’est pas un hasard puisque c’est l’histoire de deux soeurs: une blonde et une brune. La Reine des Neiges de Hans Christian Andersen, est un conte en sept parties. Au début le diable brise un miroir et un éclat atteint l’oeil et le coeur d’un petit garçon nommé Kay. Le résultat c’est qu’il oublie sa famille et sa petite amie Gerda. Un jour la Reine des Neiges le kidnappe et le garde dans son palais où Les murs étaient faits de neige pulvérisée, les fenêtres et les portes de vents coupants, il y avait plus de cent salles formées par des tourbillons de neige. Gerda finira par sauver Kay en enlevant le morceau de verre caché dans son oeil. Il y a une morale profonde dans cette histoire, celle d’un petit garçon emprisonné dans l’oubli et tant qu’il n’a pas été libéré, il ne peut pas grandir et devenir son propre maître. Devenir adulte, c’est devenir son propre maître. Et ce chemin est pavé de magie, de synchronicités, de douleur et de joie. Ne laisse pas un petit morceau de glace t’arrêter sur ce chemin, aussi tentant qu’il soit.

 

Dans le même style, il y a le film animé Kirikou et la sorcière. Lorsque je suis allée au Festival de films de Cannes en 1998 avec Nono, je suis tombée en arrêt devant une petite affiche tellement belle. J’ai tout de suite su que ce serait un succès et je ne me suis pas trompée. La sorcière est une sorte de Reine des Neiges africaine, très méchante. Mais cette cruauté vient d’une aiguille plantée dans son dos et qu’elle ne voit pas. Kirikou, un petit garçon très doux et très courageux réussira à lui enlever l’épine. Elle guérit et le petit garçon grandit d’un coup.

 

Maintenant, je te dis, à mon tour, Ca sent la neige. Personne ne m’a expliqué comment, mais il y a des choses qu’on apprend à sentir. La neige s’annonce par une qualité de silence, un ciel cotonneux sans consistance qui se fond dans un horizon flou. L’air devient épais et légèrement métallique. Il y a un très beau moment dans le film Harold et Maude quand elle lui tend un tube pour lui faire sentir… la neige. C’est un moment magique !

25 décembre - Magie en fôret

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Lorsque j’étais petite, en vacances dans la montagne autrichienne, ma grande-tante m’envoyait chercher le lait frais à la ferme située à environ 20 minutes de marche. Je me souviens qu’il faisait nuit et après avoir traversé le vieux pont en bois qui enjambe un torrent en fureur, je m’enfonçais dans la nuit sur le chemin traversant la forêt. Sans aucune lumière, j’avançais avec courage et une peur tenace. J’entendais des feuilles chuchoter, des branches craquer, je n’aurais pas été surprise de me trouver nez à museau avec un loup. Juste effrayée. Finalement la petite lueur de la ferme me guidait m’indiquant la fin du chemin. Il faisait sombre et beau à la fois. La fermière m’emmenait dans l’étable et me servait un lait de vache tout frais, et remplissait mon petit boye de lait en étain. Puis, je devais affronter le retour en retenant ma respiration jusqu’à l’arrivée de l’autre côté du torrent. Je me souviens de toutes ces émotions extraordinaires et de la naissance du courage à l’intérieur de moi.

 

Ce soir, dans le siècle suivant, j’ai traversé le bois à côté de chez moi. Sans lumière, juste en sentant le chemin et devinant les arbres. Il y a aussi un petit ruisseau plus ou moins furieux selon les pluies. Hésitante au début, je me suis enfoncée dans la nuit. Etonnamment je voyais mieux les formes sans mes lunettes. Je devinais qu’il fallait tourner à gauche pour traverser le petit pont et longer le Nant de braille, le bien-nommé,  jusque chez moi. Puis je les vis! Des petites lumières scintillantes le long des pierres qui bordent l’eau. Comme des maisons de lutins, parfois toute une rangée de petites étoiles qui brillent. Je restais là, émerveillée et me fis la promesse d’y retourner avec toi.

 

Souviens-toi, nous avions mis une offrande dans la forêt pour la sorcière. Oui, celle à qui il fallait demander la permission de traverser le pont tout joliment ouvragé. Nous avons trouvé un creux sous une racine d’arbre et camouflé nos présents: plumes, marrons, un peu de chocolats et des jolis choses de la nature. Nous avons crié « Sorcière, sorcière, nous te demandons la permission de traverser le pont. Merci gentille sorcière. » Le soir venu, nous sommes retournés, coeurs battants pour voir s’il y avait quelque chose. Et qu’avons nous trouvé? Deux boules transparentes avec des plumes, des paillettes et du chocolat. Il y avait même un petit lutin. Nous étions très reconnaissantes de pouvoir traverser le pont et par la même, grandir. Suite de Sans Histoire… ici

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