Créé le: 06.09.2021
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Rêvélation
Chapitre 1
1
Rêvélation est une lettre de correspondance, monologue d’un cri de coeur, envers l’être aimé méprisant.
Le résultat d’un amour rêvé sans retour ?
L’élévation de soi.
La rêvélation.
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Issy, le 21/02/2021,
F.,
Je m’étais promis que je ne t’écrirai plus, que je ne te recontacterai plus. Les promesses faites à soi-même sont si dures à tenir. Après tout ce mal subit, ces remarques désobligeantes, ces attitudes irrespectueuses, aujourd’hui je dis: fini. Si seulement tu n’avais jamais existé. Je veux que tu dégages de ma Vie, de mon coeur, de mon corps. Je veux. Je veux, mais je ne peux. Je ne peux tant que je ne t’adresse pas cette lettre où enfin, je te dévoile tout ce que je n’ai pas encore osé te dire. Le fond, le très très fond, le tréfonds de mon âme. C’est risqué, car tu vas procéder comme à ton habitude. Tu rapporteras ces propos, à toutes les connaissances que nous avons en commun; certains sont mes copains. Toi, ce sont tes élèves. Comme je l’ai été d’ailleurs; avant qu’une prétendue tendresse vienne tout gâcher. Je disais donc que je prends ce risque, que tu ébruites ces lignes rédigées avec le son de ma liberté. Je prends ce risque car toi la reine du paraître, de la mauvaise foi, tu vas aller au-delà du colportage, tu vas me déformer ces petits mots écrits avec authenticité. Et bien, tu veux savoir ? Quelle importance. Les accoucher sur le papier est mon salut, au revoir, merci, bonne route.
Nous nous sommes croisées il y a six ans. Tu avais vingt-neuf ans. J’en avais vingt-huit. Tu étais professeure de théâtre. J’étais une jeune femme qui venait de finir des études longues, et qui avait été motivée par une de ses collègues : « tu es introvertie, mais un vrai petit clown, tu devrais faire du théâtre ». Je me suis donc inscrite. Et j’ai été fascinée. De suite. Quand j’y repense, je suis encore émue. J’avais l’impression de te connaître depuis toujours. Lorsque je suis rentrée chez moi après la première séance, je me suis posée sur mon canapé, avec une légèreté dans le coeur. Je souriais. Chose que je n’avais faite depuis bien longtemps. Je me sentais vivante. J’étais depuis tant d’années égarée dans mon chemin de Vie. Là, je me suis sentie connectée à la réalité. Que c’était beau. Et doux. Les semaines, les mois ont passé, l’enthousiasme de participer à ces cours était toujours aussi présent. Je me sentais pousser des ailes. Je devenais plus sûre de moi. J’avais confiance en moi.
Tu étais réputée pour être dure. Le compliment ne t’étouffait pas. J’appréciais. J’ai assimilé cette attitude à de l’exigence. Cela nous faisait un point commun. Nous en avions beaucoup. Là où tu rêvais de jouer dans ton propre spectacle, je rêvais d’écrire des pièces. Ta spontanéité face à mon intégrité. Tes ruptures amoureuses douloureuses, comme les miennes. Ta culpabilité face à la perte d’une soeur jumelle; ma souffrance face à la même perte. Toutes ces synchronicités, c’était joli. Extraordinaire. J’entendais même quand tu pensais. Je ressentais tes peines et tes joies, puissance « beaucoup ».
C’est à partir de là que survient notre drame.
Nous l’avions remarqué toutes les deux. Que la relation était hors norme. Je ne parlais pas beaucoup de moi. J’en savais plus sur toi que toi sur moi. C’est le début d’un décalage. De ma gêne. De ta gêne aussi. De ton incompréhension. Je rougissais. Tu rougissais. Nous n’arrivions plus à nous regarder dans les yeux. Adieu source de joie. L’harmonie s’en est allée petit à petit. Tu as commencé à être méchante. Tu faisais des reproches sur mes prestations. Tu ne me donnais plus du tout de conseil. Je me souviens encore du « fais comme tu veux » exaspéré, que tu m’as lancée quand je t’ai demandé de l’aide pour interpréter un rôle. La lumière des projecteurs commençait à cacher la nuit noire de mon âme. Oui. Je n’ai jamais eu d’amie. Tu avais été celle dont j’ai toujours rêvé. Mieux. Comme une soeur.
J’ai adoré les messages à deux heures du matin pour l’organisation des cours. Que tu me partages tes angoisses face à la réussite d’un spectacle. Quand, partant en impro-délire, je visualisais la beauté de ta douce folie, et te donnais la réplique. Et la petite vidéo sur les jumeaux cacatoès. Le Foufou et le Condescendant. Tellement Nous. Mais voilà. Blessée par tes remarques répétées, ton manque de reconnaissance, je suis tombée malade de l’esprit. Et le corps a suivi. Devant m’absenter des cours pendant une longue période, je t’ai prévenu de mon état de santé. Tu m’as souhaitée: bonne chance. Et n’as pas hésité à mettre ma photo sur les réseaux sociaux pour prévenir ta communauté qu’une de tes élèves était à l’hôpital pour infection grave. Pour qu’ils me soutiennent ? Mais qui sont ces gens ? J’ai eu l’impression qu’on se jouait de ma vulnérabilité. Le buzz sur internet. Quelle honte. La mienne. Toi, tu n’en as même pas réalisé l’impact.
Quand j’ai su pour la publication. Vu. J’ai été peinée. Puis très en colère. J’ai mis du temps à te le dire. J’ai voulu pardonner tes maladresses. J’ai finalement compris que tu ne m’avais jamais vraiment considéré. Maladroitement, je t’ai exprimé ma rage et ma peine. Tes remarques passées, tes attitudes. Dans un cri écrit. Je t’ai bloquée par la suite, convaincue que tu n’en aurais rien à faire. Aucune réponse n’était attendu de toute façon, c’était trop tard pour réparer les brisures.
Le dernier drame intervient alors.
Tu as dévoilé ce message à nombre de tes élèves. Mais pourquoi ? J’ai trouve cela tellement injuste. Des semaines ont passé, j’ai respiré un bon coup, et pour ma paix intérieure, j’ai pris la décision de te pardonner. Encore.
Lorsque je t’ai envoyé un message pour que l’on s’explique en toute bienveillance par téléphone, tu étais trop occupée. Lorsque je suis venue voir ton spectacle quelques mois plus tard, tu m’as ignorée. Tout sauf discrètement.
Ma conclusion est que lorsque l’univers fait se croiser, s’entrecroiser des êtres chargés émotionnellement, parfois, c’est un sacré Big Bang. Quand la vibration de l’une touche l’autre à la même fréquence, la négativité est décuplée. Quand c’est positif, le même phénomène se produit aussi. Des charges identiques créent de la répulsion. Parallèlement, des êtres humains similaires créent de l’aversion, l’une envers l’autre. Et, mon Amour, nous ne sommes pas arrivées à dépasser cette hostilité.
Cet Amour est trop lourd pour deux êtres qui ne savent plus communiquer, qui ne se comprennent plus.
A nous qui touchons de près à une forme de complétude, chacune dans nos univers, il est temps pour. La liberté. Je me libère du poids de cette affection pour Nous, laisser libres.
Je ne te déteste plus. Je te hais. J’espère que toi aussi.
A ma meilleure ennemie,
G.
PS: Haïr, c’est se soucier de l’Autre autant que si on l’aimait ?
Commentaires (2)
Thomas Poussard
14.09.2021
Triste histoire... mais cela amène une question : l'amour peut-il être hostile ?
GM1987
14.09.2021
Je vous remercie pour avoir pris le temps de lire ce témoignage du cœur. L'amour touche de bien des manières. Avec la douceur d'une main, la tendresse d'un regard, ou tout autre chose. Oui, parfois, c'est poignant. Hostile ? Ou simplement difficile ?Si subtil...
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