Un enterrement pas comme les autres
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Du brouillard, de la pluie, des pleurs. Les parfaites funérailles. Tous venaient rendre un dernier hommage à Monsieur Victor, connu comme le loup blanc dans le petit village.

Rassemblés sous de grands parapluies, on se remémorait le bon vieux temps, entre deux sanglots. L’ironie du sort avait voulu qu’il pleuve à grosses gouttes ce jour-là, comme une sorte de pied de nez à Monsieur Victor qui, comme chacun le savait, avait une sainte horreur de revenir trempé de sa promenade quotidienne.

Il y avait des centaines d’anecdotes au sujet de Monsieur Victor, mais pour lui dire adieu, on choisissait les plus drôles, les plus heureuses ou les plus émouvantes.

Joseph, le cafetier, se rappelait de la fois où, malgré son âge avancé, Monsieur Victor avait réussi à faire fuir des cambrioleurs. Le coup de génie de Monsieur Victor avait été de faire tomber les casseroles suspendues dans la cuisine. Croyant le café vide, les deux lascars terrorisés par ce ramdam, s’enfuirent sans demander leur reste ! C’était un sacré malin notre Victor !

Le récit de Joseph fit penser à la mésaventure de Monsieur Victor qui, on pouvait bien l’avouer maintenant, avait fait rire le village pendant plusieurs jours ! Le hasard avait voulu que Monsieur Victor décide cette fois-là de modifier le parcours de sa promenade habituelle. Malheureusement pour lui, il passa devant la ferme du grand Jeannot. C’est alors que le sang de Fred, le berger allemand de Jeannot, ne fit qu’un tour ! Un intrus s’approchait de la ferme, il se devait de protéger son territoire ! Le pauvre Monsieur Victor fut coursé sur trois kilomètres avant d’avoir l’idée de se réfugier dans un arbre. Il dû attendre deux heures avant que Jeannot, alerté par la disparition de Fred, ne découvre la scène : Monsieur Victor perché là-haut, les yeux écarquillés de peur tandis que Fred, en bon chien de garde, n’en démordait pas et attendait sa descente aux pieds du pommier.

Ah ça ! Monsieur Victor avait eu une vie bien remplie ! Mais ce n’est pas cet épisode malheureux qui entacha sa réputation. Pour tout le monde, Monsieur Victor resterait dans les mémoires comme le héros du village. Il avait un don pour apporter le bonheur dans le cœur des gens.

Le cas de la vieille Juliette n’était pourtant pas facile. Inconsolable après la mort de son époux, Juliette se laissait mourir. Elle refusait de manger et passait ses journées à pleurer dans son jardin. Tous avaient essayé d’aider Juliette d’une manière ou d’une autre et tous avaient échoué. Tous sauf Monsieur Victor. Il lui avait suffi de poser tendrement sa tête sur ses vieux genoux maigres et de la laisser finir de pleurer. Le lendemain, on revit Juliette au marché.

Chacun avait quelque chose de positif à dire sur Monsieur Victor. Personne ne pourrait oublier sa gentillesse. Avec sa mort, c’est comme si on perdait un morceau du village.

C’est que ce n’était pas un chat ordinaire. Quand il vous regardait, on pouvait jurer qu’il souriait.