Créé le: 24.09.2012
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L’une et l’autre (2)
Bon sang, je viens de te dire de te concentrer sur ton équilibre intérieur, et toi, tu tends les bras, tu cours en avant, tu veux ce fichus gâteau, et tu oublies tout le reste. Allez recommences...
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La recherche de l’équilibre
J’aime marcher à quattre pattes. C’est rapide et si je rate une prise, il y en a toujours trois autres pour assurer la mise. C’est cool et amusant, j’explore l’espace à grande vitesse. Le problème, c’est que les spectateurs ont l’air de s’impatienter. T’es toujours là ?
Oui je suis là, et les spectateurs en question, ce sont tes parents et tes soeurs ainées, qui t’encouragent à te lever, et à marcher.
Bon d’accord, mais c’est pas faute d’avoir essayé. Moi je trouve ça pas évident, je perds mon équilibre ! Et quand je chute, ça fait parfois très mal. Alors je préfère rester assis. Bon là, je vais pleurer, ça va peut-être les calmer. Oui, ça marche, ils se sentent coupables et viennent me consoler. Ils me rassurent et m’offrent même un gâteau. Bon, j’ai déjà compris quelque chose. Si je me plainds et que je montre mon côté fragile, l’autre vient à mon secours et ça lui fait du bien. Il se sent utile et a envie de me protéger. Je me sens bien maintenant, rassurée et réconfortée. Cool ! Ah ben non, voilà qu’ils s’y remettent. Et maintenant, ils jouent sur mes sentiments. Ils m’ont fait plaisir, c’est à mon tour de leur rendre la pareille. Allez debout, fais plaisir à maman ! Bon, toi t’aurais pas une idée pour me sortir de là ?
Ben écoutes bébé, tu pourras faire des mains et des pieds, mais tu ne vas pas y couper. Un jour ou l’autre, tu devras bien te lever. Pour l’instant, tu n’en vois pas l’utilité, mais crois-moi, un être humain se tient debout, il ne reste pas par terre. Alors je comprends ton hésitation, et même ton esprit de contradiction, mais fais un effort, tu as tout à y gagner.
Bon d’accord, je vais essayer à nouveau, mais qu’ils arrêtent de m’encourager, de me pousser et de me sourire en me faisant croire que c’est facile. Non ça ne l’est pas, et leurs conseils ne m’aident pas. C’est vrai ça ! Fais donc comme ci ou comme ça, moi je fais au mieux, et pour l’instant, le mieux, c’est pas super, et je me retrouve les quatre fers en l’air. Bon là , je fais une pause.
Oui respires, reprends ton souffle, on a le temps. Enfin moi je ne m’en soucie guère. Alors, comment trouves-tu ta vie humaine ?
Ben je me suis habituée un peu aux rythmes, et pour certains facilement. Nuit, jour, pluie, soleil, oui je découvre petit à petit la nature et l’alternance. J’aime rêver, dormir, me réveiller, m’étirer. Mais il y a d’autres choses moins marrantes. Quand j’ai faim, j’ai mal au ventre. Parfois je dois attendre et les adultes ne semblent pas comprendre. C’est pourtant pas si compliqué à deviner, non ? J’ai faim !!
Désolée de te dire ça, ce sera souvent le cas. Tu partiras du principe que l’autre est comme toi, mais il est aussi différent. Et ce qui est évident pour toi, ne l’est pas forcément pour lui. Et ce petit principe bien simple, est à l’origine de nombreux malentendus dans bien des contextes. Chaque être humain a des manques et des besoins. Parfois il parvient à les combler, et il se sent bien. D’autres fois non, et il se sent mal. Alors ça aussi, tu risques de l’oublier, mais je te le dis quand même : le manque est propre à la nature humaine, et tu vas vivre des moments de dépressions et d’autres de plénitude, l’un ne va pas sans l’autre. Tu peux te lever, trouver ton équilibre, avancer et aussi chuter. Et tu as toujours le choix de pleurer, d’accuser les autres, de soigner tes blessures et rester assis, ou te lever ou rebondir. Mais là, je te donne un conseil : l’équilibre est à l’intérieur de toi, trouves ton centre de gravité. Vas-y re-essayes !
Oui j’y vais ! Ben tu sais, le gâteau était drôlement bon, et ils viennent d’en poser un sur la table pour attirer mon attention. Oui je le vois, je le veux, j’y vais, je l’ai … Zut raté encore une fois !
Bon sang, je viens de te dire de te concentrer sur ton équilibre intérieur, et toi, tu tends les bras, tu cours en avant, tu veux ce fichus gâteau, et tu oublies tout le reste. Allez recommences. Mais cette fois, fais doucement tiens-toi droite, oublies un peu ton estomac. Je n’ai pas du tout envie de te retrouver dans quelques années, avec vingt kilos en trop.
C’est bon, j’y vais. Je suis debout, je redresse la tête, oui je sens l’équilibre ! D’ailleurs tout le monde a applaudi, je crois que je viens de grandir d’un coup. C’est génial, je vois tout. Quelle vue, et maintenant je peux aller où je veux, et hop, virage, accélération, un et deux, un et deux, ces jambes sont pratiques en fait. Un et deux, un et deux … zut, aïe !!!
Décidément, tu veux apprendre toutes les leçons en un jour, tu es bien impatient. Et oui je comprends bien que tu sois tentée de lever la tête. Tu vas passer un bon nombre d’années à courir pour attraper des gâteaux, en oubliant de prêter attention au chemin. La vitesse, oui je te l’accorde, c’est grisant, et oui les gâteaux sont délicieux. Tu rempliras ta boite, je te le promets, et tu satisferas bien des envies. Et ce n’est que le jour où tu feras une indigestion, que tu comprendras aussi que le plaisir est aussi une question d’équilibre, et tu sauras apprécier aussi le désir. Oui je te le concède, l’idéal est enthousiasmant. Mais tu viens d’en faire l’expérience. Tu regardais ton idéal, et tu t’es pris les pieds dans le tapis. Ce n’est rien, et tu vas encore souvent chuter.
Alors rappelles-toi que chaque chute peut t’apprendre une leçon, et tu peux voir un cadeau dans chaque échec. C’est ta liberté. La vie propose, toi tu disposes. Regardes-toi ! Tu es unique, tu as plein de qualités, du charme et du potentiel. Alors ne le gâches pas en te comparant aux autres, n’essayes pas de ressembler à des modèles. Sois Toi et respires !
Home, sweet home
Je veux rentrer chez moi !
Mais bébé, tu es chez toi, tu es dans ton lit, bien au chaud et entouré de gens qui t’aiment. C’est quoi cette nouvelle histoire ?
Je n’en sais rien, mais je suis nostalgique. Je ressens un profond vide, comme si j’avais quitté un paradis que je ne retrouverai jamais. C’était merveilleux, je me sentais chez moi et en sécurité. A présent, je suis comme un arbre déraciné, j’ai des branches et des feuilles, mais cette terre n’est pas familière, parfois même pire que ça. J’ai la sensation de déranger les gens d’ici.
Je comprends très bien ce que tu veux dire, pour l’avoir souvent ressenti aussi. J’avais une grande affection pour ma région natale. C’était mon port d’attache, je m’y sentais chez moi. Certes, j’aimais partir et revenir. Et j’y ai aussi vécu des moments où j’y étais sans y être. J’étais entourée de gens et pourtant ma solitude était immense. Et il m’est aussi arrivée de me sentir chez moi alors que j’étais à des milliers de kilomètres de mon domicile.
Oh ! T’es pas possible toi ! Enfin, tu es comme la plupart des adultes à qui j’essaye de causer. J’exprime un ressenti personnel, et toi … tu me parles de toi, de ton expérience, de tes convictions.
Oh oui, tu as raison bébé ! Pardon. Je te demande sincèrement de m’excuser. Je suis intimement convaincue, en plus, que l’ouverture d’esprit est une qualité essentielle pour communiquer, pour évoluer, pour apprécier la vie. Mais je suis loin d’être parfaite, et je me prends encore souvent les pieds dans le tapis. On va dire que c’est le charme du parcours. Personne ne peut affirmer être arrivé en ayant tout compris. Mais je tentais de t’expliquer qu’il n’y a pas d’environnement idéal mais plutôt un état d’esprit ou un état d’être. Quand tu te sens bien à l’intérieur, tu es bien dans ton environnement, quel qu’il soit. Mais vas-y, parles-moi de ta nostalgie, dis-moi ce que tu ressens.
Oh la la, pas facile ! J’ai des sensations qui se mélangent, certaines agréables, d’autres moins. Si je m’éloigne un peu, je vois la perfection. Tout est bien, tout est à sa juste place. Voilà, par exemple dans le ventre de maman, j’ai vécu cela. Je percevais TOUT. Il n’y avait pas de conflit, pas de dualité, pas de séparation. Comment vous appelez ça ? C’était une bulle douce et confortable, et je m’y sentais en sécurité.
Je ne sais pas, la paix, la sérénité, l’harmonie ? Qu’importe le mot, en fait. Et tu n’as même pas besoin de me faire un dessin, je te comprends. J’aime d’ailleurs bien le mot «connecté», aujourd’hui principalement utilisé pour Internet. Humainement, nous pouvons être «branchés» à bien des niveaux, et dans de multiples directions. Amusant non ? Oui tu penses à une pile, et c’est un peu ça. Si je suis en phase avec les autres, avec mes paroles, avec les autres, tout semble couler de source. Je me sens bien, à ma place, et j’agis sans réfléchir. Et parfois, un détail, un geste, un oubli et je chute, j’échoue, j’ai raté une marche. Mais quelle importance ! La seule chose à retenir, c’esr d’essayer, encore et encore ..
Heu … donc si je suis comme une pile, je vais me décharger, et on va me jeter ? Pas drôle ! Hey, je plaisante, parce que ton principe de pile me va bien. J’observe beaucoup les adultes, et effectivement, certains s’épuisent, d’autres se ressourcent, et parfois en faisant exactement la même chose. Tout est vraiment question de point de vue alors ?
Oui bébé. En fait, ta blague sur la pile est plutôt judicieuse, et me permet de rebondir. Oui nous avons beaucoup gaspillé l’énergie, produit sans trop réfléchir aux conséquence sur le système plus vaste. Mais tout excès atteint un seuil de rupture, une crise, une opportunité de réajuster nos tendances. Alors oui, il y a cinquante ans, on aurait fabriqué et jeté la pile. Aujourd’hui, on essaye au minimum de réfléchir un peu. Nous pouvons croire que notre volonté suffit à tout résoudre, que nos théories vont se réaliser, que la vie est une autoroute. Matériellement, nous aimons le pouvoir et nous dessinons un magnifique plan de catédrale. C’est facile, il suffit de poser une pierre à côté d’une autre, de finir un mur et un autre, et après bien des années, on peut être heureux et contempler l’édifice terminé. Mais une vie humaine ressemble rarement à cela ! La vie est un bazar, un grand bazar, fait de rencontres, de hasards et d’imprévus. Au-delà du chaos apparent, tout est incroyablement structuré et cohérent. Il n’y a pas une cellule ou un détail qui soit accessoire. Tout a une raison d’être et tout a du sens. Tu trouveras ou retrouveras ton «chez toi». Tu ressentiras de la nostalgie mais aussi du bien-être. Tout passe, et tout revient la vie est bien plus cyclique que linéaire. Pire, TOUT est là et chacun adopte un certain point de vue.
C’est épuisant tout ça, non ? Je suis à la fois impatient et inquiet, nerveux et joyeux, triste et content. Personne ne m’avait prévenu que cette vie humaine était si compliquée !
Non ne t’inquiètes pas. Ce n’est évidemment pas facile de faire le tris dans tout ce que tu ressens. Tu es un caméléon, tu changes de couleur et tu as la capacité de t’adapter à de multiples situations. Ta fragilité, c’est ta force. Fais confiance à la vie, elle a beaucoup à t’offrir.
Je vais te le répéter, encore et encore : tu es unique, merveilleux, extraordinaire. Et oui, la remise en question est parfois fatigante et déstabilisante. Mais je t’assure que c’est la clé de la liberté. Offres une chance à l’imprévu, laisses ta porte ouverte à l’inconnu, aimes la question, et tu te sentiras léger et toujours prêt à évoluer.
Reposes-toi maintenant, je ne serais jamais très loin de toi. Fermes les yeux bébé, fais de beaux rêves. Je te promets que ta vie seras belle et pleines de surprises.
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