Texte écrit dans le cadre de l'Atelier d'écriture d'UNI3. Thème proposé: "Prisonnier-e-s dans un espace pendant neuf mois..."
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Je suis dans le noir, mais je ne sais pas où je suis. Est-ce le jour ou la nuit ? Je n’ai aucune idée de la notion du temps qui passe : un son rythmé, régulier, m’entoure ; une sorte de battement donne l’indice d’un déroulement, d’une succession. Je ne sais pas qui je suis. Tout au début j’avais l’impression d’être une sorte de bourgeon végétal, impatient de grandir et de fleurir… puis je me suis senti comme un poisson, nageant dans un liquide sombre. Et toujours ce battement, qui induit une vitesse et un mouvement. Dans le noir je ne vois rien. Derrière le battement, je perçois des sons imprécis et changeants, incompréhensibles : quand les sons montent en puissance, le battement s’accélère… Puis quelque chose en moi est devenu plus grand et plus lourd : je prends plus de place ; mon périmètre a pris des formes distinctes, séparées les unes des autres. Au début je pouvais m’agiter librement dans le liquide sombre ; maintenant j’ai de moins en moins de place, je dois faire attention : je me cogne contre une paroi molle mais très résistante, je dois m’y prendre à deux fois avant de me retourner. J’ai repéré une zone plus confortable où je peux, sans effort, appuyer vers le bas la partie de mon corps la plus encombrante, comme sur le rebord arrondi d’une petite cuvette, et m’y reposer, en attendant tranquillement. Mais j’attends quoi exactement ? J’espère sortir de ce lieu qui devient invivable : j’ai de moins en moins de place, bientôt je ne pourrai plus bouger. Sortir, oui, mais comment et pour arriver où ? Je viens de nulle part et je ne sais pas où je vais ! Je n’ai aucune idée, aucun indice de ce qui m’attend au-delà de cet anneau sur lequel je m’appuie depuis des semaines — d’ailleurs, sur ce point d’appui, une «douleur» est apparue… ça aussi, je ne sais pas ce que c’est… en tout cas ça me dérange, je ne peux plus dormir. Je commence à avoir peur. Tout se resserre autour de moi. Le battement de fond s’est accéléré, comme une alerte.  Quelque chose de fort me pousse en diagonale, pour traverser ce cercle qui ne cède pas… D’autres «bruits» inconnus s’ajoutent et se bousculent : il y a urgence, c’est sûr, je me sens écrasé. Maintenant j’ai mal partout. Une intuition me dit que « le temps m’est compté ». Un brusque sursaut : un éclair métallique a fait irruption… le rouge est apparu, il se mélange au noir. Je dépasse l’anneau fatal, je sens que ma bouche s’ouvre, que mes poumons se remplissent de vide et expulsent quelque chose : il paraît que c’est un cri… Je n’entends plus le battement de fond. J’ai un peu moins mal, mais voilà : le grand vertige de la vie me saisit tout entier — je bascule… Dans ce monde extérieur je suis aveuglé : je serre mes yeux de toutes mes forces, dans l’illusion de retrouver ce noir où j’étais si bien, tout au début. Saurai-je un jour qui je suis ? et le sens de cette aventure étrange ?