Créé le: 06.01.2017
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Le jour de l’an

Nouvelle

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© 2017-2025 a Stella Vaime

A New Year Carol…Vignette en  hommage à Charles Dickens et à Londres, ville qui change finalement si peu.
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Tout gris, tout terne le premier matin de l’année nouvelle s’annonçait. Le brouillard glaçant des jours précédents avait fait place à une douceur morne et un homme se promenait dans les rues désertées en tirant sur sa cigarette. Il était heureux et calme, flâneur paisible en terrain archiconnu. Des façades de briques, des fenêtres à guillotine, des rideaux de fer tirés, de la brique, encore de la brique. Il déboucha sur Arnold Circus et remarqua une vieille cabine téléphonique, une rouge, espèce menacée, espace en voie de disparition.

Tout à coup il eut envie d’y entrer pour se rappeler et ressentir comment c’était avant. Dedans ça sentait l’urine évidemment. Des détritus jonchaient le sol et les parois étaient recouvertes de graffitis bafouillants et vicieux. Ça lui était égal, car il se sentait à l’abri dans cette cabine puante. Il souleva le récepteur et se réjouit d’entendre une tonalité. Son passé refluait avec douceur, la nostalgie aussi.

« Clic-tap, clic-tap, clic-tap, clic-tap, clic-tap … » Un bruit étrange venant de la rue interrompit la mélodie de ses souvenirs. « Toc-toc !, et voilà qu’on frappe maintenant !» Agacé il se retourna pour voir qui le dérangeait. Derrière la vitre sale une mince silhouette grisâtre se dessinait. L’intrus ouvrit la porte doucement et lança dans un sourire « Happy New Year ! » L’homme désormais excédé s’apprêtait à chasser le perturbateur lorsqu’il remarqua que ce dernier qui s’appuyait sur des béquilles n’avait qu’une jambe. Jaugeant sa mine chafouine, ses hardes, ses cheveux fous et ses mauvaises dents, il comprit en cinq secondes. C’était un junky.

Il sortit de son refuge et répondit en souriant (même s’il sentait les larmes lui piquer la gorge)

« Happy New Year ! » Puis ayant ravalé sa salive il regarda le paria dans les yeux et de lui dire:

– Tu sais moi aussi j’étais comme toi…un junky. Avant.

– Vraiment ?!

– Oui, c’est vrai.

– Oooh, c’est tellement dur cette vie ! C’est vraiment chiant. Comment tu as fait toi ? Pour t’en sortir.

– …

– Comment t’as fait ?

– La chance, juste la chance.

Les deux hommes se sont tus un moment. Le junky se racla la gorge, l’autre se mit à fourrager dans les poches de sa veste pour réunir tout l’argent qu’il pouvait. Il lui donna quelques billets et beaucoup de pièces. Quinze livres environ. L’invalide n’en croyait pas ses yeux. Reconnaissant il a tendu sa main pour serrer celle de son bienfaiteur avant de la retirer, honteux de cette pauvre main boursouflée et noire de crasse. Ils se saluèrent mal-à-l’aise et graves comme des hommes qui ont vu quelque chose d’interdit et font tout pour l’oublier. Puis chacun a repris son chemin.

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