Créé le: 06.08.2021
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La mégère mahousse
De la grossophobie considérée comme une sagesse agonistique.
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La guerre, Madame !
À l’image des Romains, je lance entre vos jambes un javelot en bois de cornouiller.
La guerre ! Hier encore, j’hésitais à vous la déclarer. Les derniers scrupules d’une tempérance obsolète me retenaient de céder au plaisir de vous taillader le lard. Loin de brûler d’amour pour vous, j’œuvre à la forge de l’antipathie pour rassembler en moi des forces qui feront cramer vos pelures XXL, fondre votre suif pléthorique.
Monstrueuse créature, vous offensez le bon goût, vous profanez les cinq sens. Votre présence enlaidirait une décharge publique. Sur les prairies où vos godillots se posent, l’herbe ne repousse plus. Vous chiez devant les mairies, vous bouchez les canalisations citadines. Des ripatons à la margoulette, vous puez, Madame. La sueur dégouline de vos glandes mammaires. Vos gros roberts dépourvus de science allaitent la bêtise et la vulgarité. Plus vous prenez de poids, plus votre esprit se ratatine. Les kilos de graisse compriment votre maigre intelligence. Le vacarme que vous faites est inversement proportionnel à votre raison. D’enthousiasme ou de colère, vos cris compulsifs me donnent la migraine. Pour calmer votre hystérie chronique, il me démange de vider ma kalachnikov dans votre bide enflé, de répandre sur le bitume vos intestins gorgés d’ascaris. Ce serait un régicide. Oui, Madame, je sais que vous êtes Reine. Colossale est votre puissance, énorme est votre prestige. Empire… emprise… ? Quel mot choisir pour marquer votre ascendant ? Si je passe en revue les monarques dont les exploits couronnent les livres d’histoire, force m’est de conclure que vous les dépassez tous en popularité. On divinise votre hypertrophie. Vos soupirants, du blanc-bec au vieux schnock, vous dévorent de baisers. Les ministres vous lèchent les grolles boueuses, les aficionados vous malaxent le cul fleuri de gringuenaudes. Il ne fait aucun doute que vous plaisez, Madame. Mais je faillirais à l’honneur si je vous traitais de pute. C’est par principe que vous accordez vos faveurs, non pour de l’argent. Vos principes sont aussi lourds que vous, ils conviennent à notre époque. Le monde a connu des élégances que votre cellulite écrabouille. Vous êtes un bouillon de médiocrité. Vous aspirez la moelle des idées à la mode, vous salivez devant les idoles du moment. La richesse imaginative, le sens de la complexité, le jeu des nuances vous font gravement défaut. Vous fermez l’éventail des possibles pour ne retenir qu’une ligne. Philosophie du lieu commun, rhétorique du slogan, esthétique de la répétition.
Votre inconstance n’a pas de rivales. Les amants les plus divers peuvent exciter votre appétit. Vous avez la naïveté de croire que vous exercez votre liberté. Pauvre esclave ! Avec un minimum de psychologie, n’importe quel abruti peut vous mener comme bon lui semble. Une pensée niaise enfoncée peu profondément par une raison courte suffit à vous faire jouir. Il faut dire qu’un orgasme facile témoigne d’un respect maximal de la dignité humaine, version 2021… Et plus on vous regarde, plus vous prenez votre fade. Encore mieux si c’est devant la flicaille ! Et que les enfants se rincent l’œil ! L’éducation citoyenne a besoin de votre exemple.
Mon épouse est tout le contraire de vous, Madame. Elle incarne un art de vivre où l’enjouement se marie à la distinction. Sa verve pétillante est un capriccio qui accroche de subtils accords à la partition d’un bel esprit. Chez elle, l’imprévu se glisse au coin d’une phrase, la poésie embarque une idée dans une goélette, le rire souffle sur la voile. Féminine à l’ancienne, aristocrate de la féminité. Vêtue comme à la Belle Époque – regardez les affiches de Mucha – avec deux ou trois détails qui s’en éloignent – la touche personnelle – elle promène sa grâce à travers les forêts, dans les jardins, autour des châteaux. Les livres s’envolent des bibliothèques pour lui offrir des bouquets de rimes, des colliers de sagesses, des ceintures de questions. Elle ouvre les fenêtres en appuyant son regard, elle ferme ses oreilles aux sermons de l’insignifiance. Assise sur l’encyclopédie, elle pédale au soleil de l’école buissonnière. Le merveilleux la caresse, l’humour lui donne des baisers. En solitaire, cette amoureuse de la nature escalade les montagnes, grimpe aux arbres, se baigne dans les torrents. Elle discute philosophie avec les nuages ; elle aide les pipistrelles à gober les étoiles ; elle dirige le chœur des orties. Femme différenciée, mon épouse est une rose unique et c’est pour cela qu’elle peut faire « un » avec toute chose. C’est une exploratrice de la beauté. Elle marche… ou plutôt elle danse, et l’Ange voit frissonner sous ses pas toutes les courbes de la géométrie extravagante.
Vous aussi, Madame, vous marchez, mais d’un pas lourd et militaire. Vous marchez pour imposer votre volonté sans caractère, votre morale insipide. Avec une arme ignoble : une logique de l’obésité. « J’ai raison, parce que je suis obèse », voilà ce que vous pensez, si cela peut s’appeler « penser »…
J’ai bien peur que mes insultes ne vous atteignent pas. Comment le pourraient-elles ? Vous n’avez pas d’âme et l’air du temps vous approuve, partage votre préjugé de la quantité. L’école vous honore, la loi vous soutient. Franc-tireur, je poursuivrai jusqu’au bout la guerre que j’ai engagée contre vous, Madame. Tout me porte à croire que je serai vaincu. Bah ! j’appartiens à une chevalerie du néant. Je combats par tempérament. À quoi bon vivre autre part que sur les hauteurs ? De mon observatoire alpestre, quand je vous regarde marcher dans la vallée, vous me paraissez minuscule, Madame La Foule.
En pointant mon arme contre vous, c’est à la religion du Nombre que je m’attaque, c’est le dogme égalitaire que je pourfends. Si les dieux de mes ancêtres favorisent mes aventures, si la fortune sourit à mes audaces, vous me verrez lacérer le drapeau du suffrage universel, incendier les bureaux de vote pour remplir de cendres les urnes funéraires. Puisqu’à vos yeux les numéros définissent le monde, je signe cette déclaration de guerre en tant qu’ennemi public numéro un.
J’ai l’honneur de ne pas vous servir, Madame, et je vous prie d’agréer l’assurance de ma volonté de vous abattre.
Cardinal de La Rapière
Se faire des amis est une occupation de paysans, se faire des ennemis est une occupation d’aristocrates. (Proverbe russe)
Commentaires (1)
Thomas Poussard
10.08.2021
Joli ! Quel verve ! Sans doute pas du goût de tous, mais certainement du mien !
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