Créé le: 14.04.2025
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Inquiétudes

ThéâtreComme au théâtre 2025

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Comment des parents anarchistes peuvent-ils protéger leur fils des pouvoirs dont se prévaut l’autorité scolaire ?
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Scène 1

 

Le rideau s’ouvre sur un salon dont le sol est jonché de détritus variés qui offrent un violent contraste avec le mobilier luxueux. Deux des trois fauteuils sont occupés, l’un par Max qui se nettoie les oreilles avec des cotons-tiges qu’il sort de sa poche et jette négligemment par terre après usage, l’autre par Lili, plongée dans un livre dont chaque page lue est aussitôt déchirée et soufflée de manière à prendre un envol gracieux avant de tomber à ses pieds. Monsieur et Madame Froidevaux sont élégamment vêtus, dans le style des aristocrates de la Belle Époque.

 

LILI : Ton O.R.L. t’a pourtant déconseillé l’usage des cotons-tiges. D’après lui, ces instruments de torture risquent d’irriter les conduits auditifs et de provoquer des bouchons de cérumen.

 

MAX : Ce qui m’irrite les oreilles, c’est que tu dises O.R.L. au lieu d’oto-rhino-laryngologiste. « Oto-rhino-laryngologiste », c’est de la poésie sonore, de la musique vocale, tandis qu’ « O.R.L. », c’est du condensé pour mâchoires paresseuses, c’est une formule insipide à l’usage des esprits maladivement pratiques, comme les mères de famille et les adolescents. (Silence.) Je te rappelle que ton ophtalmo t’a déconseillé de trop lire.

 

LILI : « Ophtalmologue », s’il te plaît ! Si je n’ai pas le droit de dire « O.R.L. », épargne-moi « ophtalmo » !

 

(Silence.)

 

MAX : Lili, je suis inquiet.

 

LILI : Ça ne te ressemble pas.

 

MAX : C’est au sujet de notre fils : je le trouve bizarre depuis quelques temps.

 

LILI : Voyons, Max ! Kevin a quatorze ans ! À cet âge-là, ce qui serait bizarre, c’est qu’il ne soit pas bizarre !

 

MAX : D’accord, mais il y a des limites tout de même !

 

LILI : Justement, ce sont ces limites qu’il doit franchir, sinon où est l’intérêt ?

 

MAX : Lili, je te dis que Kevin est sur une mauvaise pente.

 

LILI : Mais non ! Tu te fais des idées, comme d’habitude. Pour ma part, je n’ai rien remarqué d’anormal dans son comportement.

 

MAX : Et sa chambre ? As-tu vu sa chambre ?

 

LILI : Non, pourquoi ?

 

MAX : Lili, je suis terriblement inquiet. Aujourd’hui, pour la première fois de son existence, Kevin a rangé sa chambre.

 

LILI : Et c’est ça qui t’inquiète ?

 

MAX : Plutôt, oui ! Quand un garçon commence à se préoccuper de l’ordre, on peut craindre qu’il finisse par devenir avocat ou médecin.

 

LILI : Oh, toi, tout de suite, à la première alerte, tu imagines des catastrophes ! Il y a certainement une explication simple et honorable au fait que notre cher Kevin ait rangé sa chambre.

 

MAX : Laquelle, par exemple ?

 

LILI : Je ne sais pas, moi… (elle cherche) peut-être y avait-il tellement de bordel dans sa chambre qu’il n’arrivait plus mettre la main sur son cannabis…

 

MAX : Tu dis ça pour me rassurer !

 

LILI : Ou peut-être qu’il est tombé amoureux…

 

MAX : Ne dis pas d’obscénités, veux-tu ! Kevin est bien trop respectueux de lui-même pour tomber aussi bas.

 

LILI : Hum… tu oublies qu’à son âge les hormones ravagent le cerveau.

 

MAX : Non, il doit y avoir une autre explication… (Il réfléchit.) J’y suis ! Il a voulu nous faire une farce !

 

LILI : Mais ce n’est pas le premier avril !

 

MAX : Et alors ? Kevin ne sait jamais quel jour nous sommes.

 

LILI : En tout cas, si c’est une farce, elle est de très mauvais goût.

 

MAX : Je suis bien d’accord ! Et si c’est autre chose, nous avons un grave problème.

 

LILI : Il nous faut consolider les bases de son éducation.

 

MAX, au public, sur un ton doctoral : Tôt ou tard, l’obsession de l’ordre conduit à des massacres massifs, rend la vie ennuyeuse, enlaidit la ville et sclérose l’imagination. Nous le lui avons répété cent fois.

 

LILI, au public, sur un ton doctoral : L’ordre est une comédie de moeurs, écrite et mise en scène par l’État, l’Église, l’École et l’Entreprise pour se nourrir des forces de chaque imbécile aveuglé par le rôle de sa vie. Nous le lui avons démontré par a plus b.

 

(On frappe trois coups à la porte.)

 

LILI : Zut ! Pas moyen de lire tranquillement ! (Elle jette son livre par terre, se lève et va ouvrir.)

 

 

 

Scène 2

 

LILI : Oh ! Bonjour Madame la Directrice !

 

RUTH : Bonjour Madame Froidevaux.

 

LILI : Mais entrez donc, je vous en prie !

 

(Entrée de Ruth Merz, vêtements serrés, corps rigide, visage fermé.)

 

LILI : Chéri, c’est Madame Merz, la directrice du collège où Kevin s’ennuie comme un rat mort.

 

MAX, se levant : Bonjour Madame Merz ! Mais prenez place !

 

RUTH : Bonjour Monsieur Froidevaux.

 

(Ruth, d’un air d’abord perplexe puis dégoûté, regarde le sol pollué d’immondices. Elle avance vers un fauteuil d’une démarche embarrassée, essayant de ne pas poser ses pieds sur les déchets. Lili la suit sans éprouver la moindre gêne à fouler les ordures. Les trois protagonistes s’assoient.)

 

LILI : Que nous vaut l’honneur de votre visite, chère Madame ?

 

RUTH : Je me suis permise de venir vous voir, car j’aimerais vous entretenir de Kevin, qui nous pose de gros problèmes au collège.

 

MAX : Ah ! tu vois, Lili ! Je t’avais bien dit qu’il file un mauvais coton ! Que se passe-t-il avec Kevin, Madame la Directrice ?

 

RUTH : Eh bien, pour commencer, je suis au regret de vous informer qu’il ne travaille absolument pas en classe.

 

LILI : Oh, mais ça, ce n’est pas grave ! Avouez qu’il serait un peu stupide de sa part d’apprendre ses leçons alors qu’il traverse une des périodes les plus passionnantes qui soient dans l’existence d’un être humain.

 

MAX : Et puis il a beaucoup trop de goût pour s’encombrer l’esprit avec des futilités mathématiques et quelques rudiments d’une langue barbare.

 

RUTH : Vous voulez parler de l’allemand, je suppose.

 

MAX : Exactement ! Je ne comprends pas comment il est possible de torturer de jeunes cervelles avec une langue tellement tordue qu’elle rejette le verbe en fin de phrase…

 

LILI : Une langue qui nous force donc à écouter notre interlocuteur jusqu’au bout… Comme c’est frustrant de ne pouvoir lui couper la parole !

 

MAX : Une langue qui ne recule devant aucune aberration de genre. Seuls de gros buveurs de bière peuvent sans rire féminiser le soleil et masculiniser la lune.

 

LILI : Tous des invertis, ces boches !

 

RUTH : Je suis d’origine allemande.

 

(Silence glacial.)

 

LILI : Euh… Très utile, la langue allemande ! Surtout pour faire du tourisme en Espagne du sud…

 

MAX : Ou aux Baléares…

 

LILI : Et aux Canaries…

 

RUTH : Revenons à Kevin, voulez-vous ? Non seulement il ne travaille pas, mais il sape tous les efforts de nos professeurs en tenant publiquement des propos irresponsables. Il claironne aux quatre vents que le travail n’est bon que pour les esclaves et les pauvres imbéciles.

 

MAX : Hé, hé ! Notez qu’il n’a peut-être pas tout à fait tort. Plusieurs philosophes – même des allemands – considèrent que le travail est un vice dont il faudrait débarrasser l’humanité.

 

LILI : Très juste ! Et vous dirigez une école dont le niveau se rapproche si désespérément de zéro qu’un élève doit vraiment être le dernier des crétins pour ne pas se montrer capable d’obtenir de bonnes notes sans travailler.

 

RUTH : Je ne pense pas que vous soyez compétents pour estimer à leur juste valeur les bienfaits de la pédagogie moderne.

 

LILI : « Compétent » est l’un des mots les plus obscènes que je connaisse.

 

RUTH : Je suis heureuse que vous parliez d’obscénité, chère Madame, car c’est un des rares sujets que Kevin maîtrise à fond. Il consacre beaucoup d’énergie à couvrir de dessins cochons et d’écrits pornographiques les murs, les portes, les fenêtres, les pupitres et les chaises de notre beau collège.

 

LILI : Tu vois, chéri, je t’ai toujours dit que notre fils deviendrait dessinateur et poète !

 

MAX : Il faut dire, Madame la Directrice, que nous ne ménageons pas nos efforts pour offrir à Kevin un climat familial propice à l’éclosion de ses talents artistiques…

 

LILI: Et littéraires !

 

RUTH : Parce que, pour vous, une grosse bite peinte en rouge sur la porte de mon bureau, c’est de l’art ? Et l’inscription « La directrice est une nymphomane », c’est de la littérature ?

 

MAX : Allons, allons, Madame la Directrice, vous savez bien que les débuts d’un génie ne sont pas toujours exempts de banalités. Avant d’être en mesure d’accomplir une oeuvre originale, Kevin doit commencer par imiter les classiques.

 

LILI : Je vous trouve bien sévère, Madame Merz. « La directrice est une nymphomane » : quelle meilleure preuve du souffle poétique animant Kevin que cet irréprochable décasyllabe, avec une césure après la quatrième syllabe, conformément à une tradition qui remonte à la chanson de geste médiévale ? Sans doute s’agit-il là du premier vers – très prometteur – d’une ode inspirée de Ronsard.

 

MAX : Admirez l’audace de la métaphore, Madame Merz ! Traduire en nymphomanie l’amour presque maternel que vous portez à tous vos élèves, c’est une idée remarquable, non ?

 

RUTH : C’est surtout une idée qui va vous coûter cher, car les frais occasionnés par le nettoyage des innombrables graffitis dont votre fils est l’auteur seront évidemment à votre charge.

 

MAX : Voyons, Madame Merz ! Vous savez pertinemment que nous ne verserons pas un centime si vous ne pouvez produire de photos et de témoignages étayant vos imprudentes accusations.

 

RUTH : Ces imprudentes accusations, Monsieur Froidevaux, ne sont que des broutilles en comparaison de ce qu’il me reste à vous apprendre au sujet des agissements de Kevin.

 

MAX : Nous vous écoutons.

 

LILI : Vous causez si bien !

 

RUTH : Les faits sont gravissimes. À de multiples reprises, Kevin s’est rendu coupable de racket. Il terrorise nos plus jeunes élèves afin de leur extorquer de l’argent.

 

MAX : Ah oui, bien sûr ! Il nous en a parlé. Mais c’est du commerce, pas du racket. En échange d’un peu de menue monnaie, il offre sa protection aux individus les plus faibles.

 

LILI : Les faibles ont besoin d’être protégés.

 

MAX : Un costaud comme Kevin, c’est une bénédiction pour eux.

 

LILI : Et comme tout service mérite salaire…

 

MAX : Vous voyez bien que notre fils n’est pas perdu pour le monde du travail ! À quatorze ans, malgré la crise financière, il est déjà parvenu à se créer un emploi.

 

LILI : Un premier job, ça se fête ! Veuillez m’excuser, Madame la Directrice, je vais sniffer une ligne de coke. (Elle sort.)

 

 

 

Scène 3

 

Quelques secondes après le départ de Lili, Ruth Merz se jette au cou de Max pour lui rouler une pelle et lui faire tout plein de papouilles. Pendant ces effusions d’une indécence drolatique, un personnage traverse la scène en brandissant une pancarte sur laquelle on peut lire : « Cliché ! ».

 

RUTH : Oh Max, mon sucre d’orge, mon vilebrequin, mon rutabaga !

 

MAX : Ruth, Ruth, ma douille, ma pipistrelle, ma choucroute !

 

RUTH : Tu me négliges, mon cancrelat ! Cela fait deux semaines que je ne t’ai pas vu.

 

MAX : J’étais bien trop occupé à ne rien faire, ma belladone. Tu n’imagines pas les quantités d’énergie, de courage et de concentration qu’il me faut mettre en oeuvre pour résister à toutes les tentations d’agir qui peuvent me traverser l’esprit. Seul un mental d’acier, fortifié par un stage d’un mois dans un monastère tibétain, me permet de ne pas céder aux appels insidieux du démon qui me harcèle pour que je graisse les gonds d’une porte dont les grincements s’entendent à deux cents mètres ou pour que j’arrache les poils touffus qui envahissent mes narines au point de m’empêcher de respirer.

 

RUTH : Tu m’as manqué, mon grand Lama. Tes yeux si cruels m’ont manqué… tes mains de maître m’ont manqué… ta langue en feu m’a manqué… À propos… il me manque dix mille euros, mon trésor ! J’ai absolument besoin de cet argent pour rembourser une dette.

 

MAX : Voyons, Ruth, tu sais pertinemment que la générosité ne fait pas partie de mes faiblesses !

 

RUTH : Pour obtenir cette somme, je suis prête à tout, mon iguanodon. Demande-moi ce que tu veux !

 

MAX : Prête à tout ? Tu cherches à me faire comprendre que tu irais jusqu’au chantage, n’est-ce pas ?

 

LILI : Oh, le vilain mot ! Tu ne penses pas ce que tu dis ! Comment le brillant Max peut-il croire une seconde que sa gentille Ruth soit capable d’employer un moyen aussi… aussi… efficace !

 

 

 

Scène 4

 

Lili revient, très en forme.

 

MAX : Je disais à Madame la Directrice qu’aujourd’hui Kevin avait rangé sa chambre et que rien ne saurait me faire autant plaisir.

 

RUTH : Ce petit n’est peut-être pas irrémédiablement perdu. (En regardant Max d’un air menaçant :) Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui éviter la maison de redressement.

 

LILI : Il vaudrait mieux. Non mais vous voyez notre Kevin dans une maison de correction ? Il y flanquerait le feu vite fait ! Il ne supporte pas d’être enfermé, car c’est la Nature qui parle en lui. Vous les enseignants, les pédagogues et les bureaucrates de l’Éducation Nationale, vous êtes tous complètement mabouls de croire que la meilleure façon d’instruire les merdeux, c’est de les cloîtrer dans une salle rectangulaire et de les contraindre à rester le cul vissé sur une chaise ! La pensée a besoin de mouvement, de grands espaces !

 

RUTH : Chère Madame, notre mission n’est pas d’apprendre à penser, mais de transmettre aux jeunes gens un capital de savoir et de savoir-vivre qui leur permettra de passer harmonieusement de l’École à l’Entreprise.

 

LILI : Bref, votre but, c’est de dévitaliser les gosses !

 

MAX : Excusez-moi, il faut que j’aille purger le canari. (Il sort.)

 

 

 

Scène 5

 

Long silence.

 

LILI : Alors vieille garce, quelle est la vraie raison qui t’amène ici ?

 

RUTH : Tu dois le savoir, ma belle ! L’autre soir, à notre partie de poker mensuelle, t’as perdu gros. Avec toute la gnôle que t’avais descendue, t’étais drôlement pompette, ma fille, mais ne m’dis pas que t’as oublié ! T’avais pas de quoi raquer, alors moi, seigneuriale, je t’ai donné un délai. Aujourd’hui, je viens chercher mon fric. Normal, non ?

 

LILI : Écoute, en ce moment, je ne roule pas sur l’or…

 

RUTH : Tutututu ! Arrête ton cirque, ça ne prend pas ! Tu ne veux tout de même pas que je moucharde à ton tendre époux que t’es une flambeuse complètement addictive au jeu…

 

LILI : Non, je t’en prie…

 

RUTH : Alors, si tu n’as plus de blé, t’as qu’à te prostituer, ma poule, t’as encore de beaux restes !

 

(On frappe à la porte. Lili va ouvrir.)

 

 

 

Scène 6

 

LILI : Ah, bonjour Violetta ! Comment allez-vous ? Entrez donc !

 

VIOLETTA : Bonjour Madame. Par quoi voulez-vous que je commence ?

 

LILI : Par balayer, Violetta ! La salon commence à en avoir besoin.

 

(Pendant que Lili regagne son siège, Violetta va prendre un balai, une balayette, une pelle à ordures et un sac poubelle. Elle se met tout de suite au travail.)

 

LILI : Ah, Madame la Directrice, vous n’imaginez pas la chance que j’ai d’avoir déniché Violetta. C’est la perle des femmes de ménage !

 

VIOLETTA, s’adressant à Ruth : Bonjour Madame !

 

RUTH : Bonjour Violetta ! (À Lili :) Oui, de nos jours, il n’est pas facile d’être bien servi… à moins d’y mettre le prix !

 

LILI : Oh, je vous assure que les tarifs de Violetta sont très raisonnables !

 

RUTH : Je n’en doute pas, chère Madame. (Silence.) Comme je vous le disais tout à l’heure, je compte beaucoup sur votre générosité pour faire un don substantiel à la fondation caritative dont je m’occupe. Je suis sûre que le sort des élèves en grande difficulté ne vous laisse pas indifférente.

 

LILI : Vous savez trouver les mots qu’il faut pour me toucher le coeur, Madame la Directrice. Hélas, j’ai bien peur de ne pas disposer d’autant d’argent que n’en réclame mon fervent désir de contribuer séance tenante à vos oeuvres de bienfaisance.

 

RUTH : Je comprends, Madame Froidevaux, je comprends. Sans vouloir me montrer indiscrète, à quelle date pensez-vous que vos finances retrouveront le sourire ?

 

LILI : Je dois aller consulter mon agenda. Veuillez m’excuser ! (Elle sort.)

 

 

 

Scène 7

 

Violetta balaie. Ruth jette un coup d’oeil vers elle, puis l’oublie complètement. Lorsque Violetta passe derrière le fauteuil où Ruth est assise, elle pose doucement son balai par terre, puis, avec une puissance extraordinaire, étrangle la directrice qui essaie en vain de se dégager de la fatale étreinte. Ruth meurt. Violetta reprend son balai et poursuit sereinement son travail en chantonnant.

 

 

 

Scène 8

 

Max et Lili reviennent. Ils vont s’asseoir sans manifester le moindre étonnement. Durant toute la scène finale, sauf indication contraire, Violetta n’interrompt pas son balayage.

 

MAX : Eh bien, Violetta, je constate avec plaisir que vous n’avez pas perdu la main.

 

VIOLETTA : Oh, vous savez Monsieur, cette bricole, c’est comme le nettoyage : ça ne s’oublie pas.

 

LILI : Elle a raison, Max. La mémoire procédurale est en général plus fiable à long terme que la mémoire sémantique, sauf bien sûr en cas de lésions du cervelet ou des corps striés. Merci beaucoup Violetta ! Vous êtes une perle !

 

VIOLETTA : À votre service, Madame ! Cette petite tâche ménagère supplémentaire est loin de m’avoir déplu.

 

MAX : Kevin se serait volontiers chargé de cette besogne, mais il n’a que quatorze ans. C’est un peu jeune pour maîtriser toutes les subtilités de l’art de la strangulation. L’été dernier, il a suivi un stage chez les Roms pour apprendre à voler. C’est déjà une bonne chose de savoir voler à son âge. Nous attendons son seizième anniversaire pour l’initier au meurtre.

 

LILI : Il paraît qu’il existe en Ouganda une excellente école pour cela. Mais nous nous méfions un peu de la pédagogie africaine.

 

VIOLETTA : Il en a de la chance, ce petit, d’avoir des parents comme vous qui se saignent aux quatre veines pour lui donner la meilleure éducation.

 

(Silence. Max et Lili sourient, se regardent amoureusement.)

 

MAX, se levant : Lili, je te promets que désormais je m’efforcerai de jeter mon dévolu sur des maîtresses moins vénales.

 

LILI, se levant : Et moi, chéri, je te promets que j’essaierai dorénavant de ne plus me laisser rouler au poker par une salope qui triche mieux que moi.

 

(Ils s’embrassent tendrement.)

 

VIOLETTA, s’arrêtant de balayer pour les regarder : Comme ils sont mignons !

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