Créé le: 24.02.2022
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Départ
Les passagers suivirent la barque des yeux jusqu’à ce qu’elle se dérobe derrière la pointe rocheuse.
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Une barque de pêche de petites dimensions apparut sur la ligne d’horizon. Ils la regardèrent s’approcher avec incrédulité. Ce n’était pas leur bateau, impossible. Jamais ils ne tiendraient dans cette coquille de noix. Pourtant, l’embarcation se dirigeait vers le rivage. Deux hommes sautèrent sur la plage. Le premier, massif et barbu, crâne rasé, se promenait parmi eux en comptant : trente-neuf voyageurs. Pas d’erreur. C’était bien leur bateau. Hussein protesta :
— C’est ça, notre bateau ?
— Oui, c’est ça. Tu croyais quoi ? répondit le barbu. Un bateau de croisière ?
Hussein quêtait du regard le soutien des autres. Des milliers d’euros dépensés… pour ça ? Mais personne ne dit rien. Certains marchaient vers la mer, se hissaient à bord. Hussein, bras croisés, assistait à la scène. L’embarcation s’alourdissait sous le poids, s’enfonçait dans l’eau, à la limite de couler. Des gens râlaient. Certains pleuraient. Impossible de voyager dans ces conditions. Obligés d’en convenir, les deux émissaires se concertèrent, puis annoncèrent qu’ils partaient chercher une autre solution.
Les passagers suivirent la barque des yeux jusqu’à ce qu’elle se dérobe derrière la pointe rocheuse. Puis attendirent. Longtemps. Des enfants se mirent à geindre. Des parents distribuaient l’eau et les provisions prévues pour le voyage, s’inquiétaient. Pourvu que l’attente ne s’éternise pas trop, sinon, que resterait-il pour la traversée ? Les gens s’inquiétaient : la mafia avait empoché leurs sous et les avait abandonnés. Mais ils se trompaient. La journée s’achevait lorsqu’ils virent s’avancer une goélette. Le soulagement céda rapidement la place à l’inquiétude devant son état de délabrement. Hussein était rouge de colère, mais se tut et interrogea sa femme du regard. Ils avaient vendu tout ce qu’ils possédaient pour se rendre en Hollande. Les passeurs ne rendraient jamais l’argent. D’ailleurs, un autre trafiquant proposerait-il de meilleures conditions ? Les passagers, résignés, s’entassèrent dans le bateau. Chargé d’hommes, de femmes, d’enfants, le haut de la coque n’émergea plus qu’à quelques dizaines de centimètres au-dessus de la ligne de flottaison. Une vague un peu plus haute que les autres s’écraserait sans difficulté à l’intérieur. Les dés étaient jetés. Les derniers rayons du soleil coulaient sur la mer lorsque le bateau prit la mer, et suivit la trace brillante vers l’horizon.
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