Créé le: 05.09.2016
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Promis juré !

PolarLe Polar 2016

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C’est beau l’amitié, surtout quand l’ami qui vous veut du mal dérape et vous entraîne dans son triste western.
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I.

Le matin, je prie. Je prie pour que ma copine Stella revienne. Je prie pour que ma fille Lorine qui vit avec mon ex-femme Samantha ne sombre pas dans la drogue ou la prostitution. Je prie pour que mon boss, le connard qui dirige cette usine d’engrais chimiques, ne me foute pas à la porte comme il a viré Duane.

Le soir, je bois. Je vide des verres avec Duane au bar du bowling. Et Duane se fout de ma gueule après chaque gorgée. C’est un chômeur maintenant. Moralement, je dois lui payer un coup, au nom de notre amitié. Même s’il s’en tape et me largue avec sa bière à moitié pleine pour sortir la première fille qui lui a fait de l’oeil. Il est grand et bronzé comme les mecs qui ne font rien de leurs journées. Je suis pâle avec des boutons, comme ceux qui manipulent ces produits chimiques en attendant la paye. J’ai aussi les pieds plats et l’armée n’a pas voulu de moi.

Ce samedi soir, il était attentif, aimable même. Il est resté à m’écouter parler de Samantha qui sort maintenant avec un saxophoniste, de ma fille Lorine qui va commencer sa formation de croupière au casino, de mes projets de cabanon au bord de la rivière, de pêche à la truite. Il m’a même payé un whisky. Pourquoi ?

– Parce que je suis un véritable ami, Ricky. Je dois faire preuve d’écoute, comme tu le ferais pour moi. Non ?

– Bien sûr.

– On se connaît depuis l’école. On en a fait des conneries ensemble. C’est fort une amitié comme cela, c’est viril. Santé !

– Oui, je suis ton pote à la vie et à la mort. Je te le promets. Santé !

 

Il a bu lentement et il me regardait au fond des yeux avec de la malice, oui rétrospectivement c’était de la malice.

– Facile à dire mon Ricky. Une amitié indéfectible, c’est quoi ? Une amitié qui résiste à tout, même au pire ? Eh bien, imagine que je fasse une grosse connerie. Tiens, par exemple, je bute un mec. Et je t’appelle au mauvais moment, quand tu vas passer au lit avec une fille que tu as mis péniblement dix jours à draguer, comme la petite serveuse du Bigburger. Alors là, tu as le choix, me dénoncer à la police ou renvoyer la fille et me donner un coup de main. Tu ferais quoi Ricky ?

– Sans hésiter, c’est notre amitié avant tout, du sacré, du lourd. Et puis, les filles, c’est pas trop mon truc actuellement.

– Ricky, les yeux dans les yeux. Promis juré ?

– Promis juré !

Je suis allé me coucher à moitié bourré avec un sale goût dans la bouche. Et toujours aucune nouvelle de Stella depuis ce jeudi.

Stella était serveuse, pas au bar du bowling, mais au Bigburger Saguaro près de la sortie de l’autoroute pas loin de l’usine. L’emblème du fast-food est un cactus saguaro avec trois branches tendues vers le haut et celle du milieu fait comme un doigt d’honneur. Après le boulot, Stella porte un Stetson, un “broken bow” blanc avec une plume. Elle veut devenir la reine du country et s’entraîne au karaoké du bar. Les artistes de country qui réussissent sont en général blondes de type Yankee, des petits boudins blancs éduquées à la Sunday school. C’est là qu’elles apprennent le chant, les choses de la vie avec des pasteurs dévoyés et qu’elles se mettent à chanter joyeusement sur leurs malheurs. Stella est brune assez foncée, mais avec des yeux bleus. Elle porte toujours des boucles d’oreille, deux turquoises avec une attache en argent en forme de plume d’aigle. “Elles sont anciennes. Ma mère était navajo. Ce sont des pierres de l’Arizona”, m’avait-elle glissé comme une confidence. Dans la nuit du bar, ses yeux et les pierres, c’est comme si quatre reflets bleus t’envoyaient des petits signaux, des gyrophares qui te disent “Coucou, je suis là, je brille de mille feux, tu m’as allumée, tu me payeras un collier de turquoises ?”

Quand je parlais de Stella aux potes de l’usine, je disais ma copine. En pratique, on avait juste amorcé l’affaire autour de projets de pêche à la truite. Elle m’avait parlé de sa grand-mère indienne, de son père alcoolique, excellent chasseur, et je luis avais promis de passer la voir et de commander un « Big burger special ». Je faisais des plans et ce jeudi, avec elle en jupette blanche posée comme un papillon sur le banc à côté de moi, les plans prenaient du relief dans mon slip. Mais ce soir, Duane avait tout chamboulé.

Il avait débarqué vers 22 heures et s’était fait payer une bière. Assis entre Stella et moi, progressivement, il m’avait tourné le dos, posé ses mains sur les cuisses de la fille et décrit ses exploits en Irak, dans les Marines. En réalité, il avait dû rester dix jours dans une base, Camp Hope à Bagdad, avant d’être rapatrié. On a entendu dire qu’il aurait menacé un officier avec un flingue pour une histoire de viol sur une employée de Halliburton. Lui, il se vante surtout d’avoir tué une jeune irakienne à un check-point lors de son premier service de garde. Stella devait s’imaginer qu’elle faisait causette avec le cow-boy qui avait délogé Saddam Hussein de son trou à rat. Je rêvassais à l’injustice dans ce monde et tranquillement, il l’avait prise par le bras et ils s’étaient levés.

– Merci pour la bière, on va faire un tour… des choses à discuter.

Comme d’habitude, je m’étais aplati devant le GI’s au chômage.

– Pas de quoi, au plaisir, salut Stella.

Et j’étais rentré sans aucun plan précis, ni B, ni Q.

Le dimanche, je me suis pointé au bar plus tôt que d’habitude. Le karaoké commence vers 16 heures. Jared, le serveur m’a dit qu’il n’avait pas encore vu Duane. Ce soir, on ne le vit pas, ni Stella. J’ai pas mal bu pour m’empêcher de réfléchir aux liens possibles entre leur absence et des parties de jambes en l’air une fois qu’ils auraient fini de discuter de géopolitique et de la stratégie du Pentagone contre Al Qaida. Alors, je suis rentré pour m’avachir devant un match de base-ball à la télé, les Rangers contre les Diamondbacks. Puis, vers minuit, à court de popcorns, j’ai mis ma vie sur PAUSE avec deux pilules de benzos. Je savais bien que d’une seconde à l’autre, cela pouvait passer sur PLAY.

 

II.

C’est vers trois heures que le téléphone sonna, longtemps sans doute. Ma grand-mère disait que quand quelqu’un appelle après dix heures du soir, c’est qu’il doit y avoir un mort. Elle n’avait pas tort. C’était Duane. Il aurait eu une accroche avec un mec qui se foutait de notre armée en Irak ou en Afghanistan, peu importe c’est le même coin. Le gars, un pacifiste de mes deux, l’avait injurié comme le font ces fiottes qui ne se sont jamais battues pour la patrie. Duane l’avait poussé, une petite pression sur le sternum et l’autre était parti en arrière dans les escaliers et se serait énuqué. Par chance, c’était dans une rue sombre, des bandes de latinos avaient pété les lampadaires pour vendre leur came en douce.

– Ricky, mon vieux Ricky. Tu dors ou quoi ? Tu te rappelles ta promesse ? J’ai besoin de la clé du labo dans l’heure.

– Oui, promis juré. Mais, le labo, pourquoi ?

– Simple, je vais dissoudre le corps dans de l’acide sulfurique.

– Fuck !

Je lui avais laissé la clé et il m’avait assuré qu’il me la ramènerait avant 7 heures. Je ne pouvais décemment plus dormir, même si je ne connaissais pas ce pauvre connard qui faisait maintenant des bulles en se fragmentant dans un bidon bleu comme un comprimé de vitamine effervescente.

 

Vers 5 heures, Duane appela à nouveau. Je commençais à planer dans un sommeil rose avec une pensée affectueuse pour Stella, tout cela exprimé par un agile mouvement du poignet.

– Il faut que tu m’aides. La cuve est trop lourde.

Comme un con, je m’étais retrouvé sous ses ordres et en survêtement à charger ce gros bidon de gaspacho spécial sur le pont de son double cabine. On avait roulé en fumant et sans causer, dépassé le casino tout illuminé avec les derniers perdants qui sortaient en râlant et promettant de se refaire, puis on a pris la 56 après l’intersection, là où ça devient désertique. Et derrière un cactus saguaro d’au moins six mètres de haut, éclairé par la Voie lactée, on a vidé la sauce dans le premier trou. Ça a fait glouglou, puis des bulles, un peu comme un rot qu’on réprime en fermant la bouche quand on est en société. C’est fou ce que le sable absorbe bien. Ça sentait la chimie plus que le macchabée.

– Alleluia ! Voilà ce qui arrive à ceux qui injurient notre glorieuse armée, ai-je prononcé d’une voix de pasteur baptiste, comme celui de notre paroisse qui n’a jamais cessé de nous annoncer la fin du monde depuis que j’ai commencé à reluquer les filles et plus particulièrement sa petite Sarah.

Duane a approuvé et il a remis le bidon sur le pont.

– On le lavera plus tard. Tu mérites bien un petit remontant ? a-t-il conclu.

Il était 6 heures 30 et le soleil marquait en mauve les crêtes des montagnes de l’autre côté du désert quand on s’est arrêté au Bigburger Saguaro. Stella était en congé ou elle prendrait son service plus tard. Cela valait mieux pour elle. Pas rasés, on avait vraiment des gueules de types louches. On s’est bu chacun un coke glacé en silence. C’est drôle, mais j’ai eu envie d’une portion de frites, le stress sans doute. Duane me regardait tremper les frites dans le ketchup, les agiter jusqu’à ce qu’elles ramollissent. Sur mes doigts, cela faisait comme des taches de sang. Il m’a tapé sur le bras :

– Te fais pas de mouron. Toi, t’es un pote. C’est à la vie et à la mort entre nous. Tu as demandé l’addition ?

Je me suis dis que je le tenais par le bon bout. Je sentais une faille comme qui dirait psychologique en lui. Ce type était de plus en plus sous mon emprise. Il fallait en profiter pour marquer mon avantage :

– Justement Duane, après ce qui s’est passé, tu me dois bien quelque chose ?

Je léchai le ketchup sur mes doigts en attendant sa réponse.

– Ce que tu voudras, Ricky, ce que tu voudras. Tiens, si on n’était pas dans un lieu public, je te ferais un baiser bien goulu en remerciement, là sur tes lèvres rouges de ketchup. Mais, j’ai pas envie qu’on pense que je suis comme cette sale petite fiotte que j’ai dégommée. Je me sens libre maintenant. Je n’ai jamais été aussi libre. Une nouvelle vie commence.

Il avait des yeux de fou en disant cela. L’effet des émotions sans doute, des remords peut-être. Le fast-food commençait à se remplir de femmes de ménages qui en avaient juste fini avec le nettoyage du casino et de voyageurs de commerce en complet bleu et cravate jaune. J’avais l’impression qu’ils nous regardaient parce qu’on avait des dégaines de criminels, de types qui viennent d’exécuter un contrat pour la mafia. Et la serveuse, cette drôle de rouquine, nous avait déjà photographié dans sa petite tête couverte de taches de rousseurs, comme un pare-brise plein de mouches après vingt miles plein tube le long des marais.

– Alors, que puis-je pour ton service, Ricky ?

– Voilà Duane, j’éprouve une certaine affection pour cette Stella. Et je sens que pour elle c’est aussi réciproque vu certaines choses intimes qu’elle m’a confiées sur sa vie. Alors, si elle se pointe au bowling un de ces soirs, je te remercie de ne pas interférer avec tes exploits en Irak. J’ai comme qui dirait l’envie de la travailler au corps.

Et là, il a ri, un gloussement de malade, et la serveuse “Clic-clac, merci Kodak” s’est retournée et nous a fixé longuement.

– Ricky, tu es marrant. Si ce n’est que cela, pas de problème. Cette fille ne m’intéresse plus. Je décrète l’ouverture de la chasse et tu as le permis, comme un grand.

 

III.

Le lundi matin, à l’usine, personne n’avait rien remarqué. C’est sûr que la gestion des stocks n’était pas optimale. Le boss passe plus de temps à lutiner l’apprentie qu’à vérifier l’inventaire des bidons d’acide. Une commande avait été annulée et il m’a laissé sortir vers 16 heures.

Vers 18 heures, Stella ne s’était toujours pas pointée au bar du bowling, ni Duane. Face à ma bière, perdu dans un manège de pensées incessantes, je n’entendais que le chuintement des chaussures sur la piste, le silence, puis la boule qui roulait comme le tonnerre au loin et enfin l’explosion des quilles qui giclaient de tous les côtés avec, à chaque strike, les cris de joie des filles. Alors, pour oublier, devant un whisky, je me suis mis à prier pour que Stella revienne, pour que je puisse un jour l’accompagner sur la terre de ses ancêtres pêcher des truites dans les torrents, de belles truites bien en chair qu’elle cuirait sur un feu de bois, et puis le ventre plein nous ferions l’amour sur une couverture à la lumière jaune d’une lampe à pétrole. A bout de prières, j’ai décidé de rentrer. Sur le canapé, je n’arrivais pas à dormir, une sensation que ma boule de bowling était devenue un boulet de plomb, un boulet qui m’étirait le bras et m’entraînait vers la bouche d’un gouffre sans fin.

 

Juste avant le crépuscule, j’ai pris ma vieille Dodge pour rouler au hasard. J’aime bien foncer dans le désert. Il n’y a pas de patrouille là-bas, des fois on croise un ornithologue égaré ou des gars de la sécurité du casino qui vont calmer un joueur un peu excité. Tu sens sur ton visage le vent chaud qui descend des montagnes à la tombée de la nuit et des grains de poussière te font cligner les yeux. Comme le hasard fait mal les choses, je me suis retrouvé près du seul grand cactus qu’on voyait de loin, comme un chandelier à trois branches dressé vers le ciel, avec à son pied le cimetière à tombe unique où on avait laissé la chose immonde percoler dans le sol droit vers l’enfer. C’est pas que j’éprouve du remord. Je ne suis pas le type à faire des signes de croix chaque fois que je croise un corbillard. Mais, animé par une pensée sincère de recueillement, je me suis penché sur le lieu de la sainte absorption. Et là dans un magma brun, j’ai vu scintiller dans les derniers rayons du soleil deux turquoises enchâssées sur des boucles d’oreille avec des plumes d’aigle en argent.

J’ignorais que l’acide ne rongeait pas ces pierres, eus-je comme première pensée rationelle. J’appris plus tard dans un traité de gemmologie qu’il fallait pour les dissoudre un énergique chauffage en présence d’acide chlorhydrique. Puis, comme deuxième pensée, s’est installé en moi un fort sentiment de haine envers mon pote Duane. L’assassin de Stella. Avec mon mouchoir, j’ai pris les bijoux, délicatement, comme elle aurait aimé que je le fasse. Et à cet instant, j’ai eu la sensation de voir s’envoler un papillon blanc pendant qu’une chouette effraie se mettait à hulluler dans un trou du cactus.

La nuit fut longue. Je gambergeais, j’échafaudais, je turlupinais l’affaire dans tous les sens. Ma promesse envers Duane était-elle valide du moment qu’il m’avait dissimulé le corps du délit ? Je me dis que sa cérémonie les yeux dans les yeux et promis juré, c’était du cinéma. Peut-être que Stella y était déjà passée quand il me jouait des violons sur notre vieille amitié. Etais-je devenu son alibi ? A ce stade, je n’allais pas consulter un avocat. Cela viendrait plus tard et il en faudrait un sacrément bon, donc très cher. Et si je dévoilais l’affaire, Duane deviendrait-il dangereux, même pour son complice ? Oui, je réalisai que j’étais entré dans la catégorie des complices, complice d’un meurtre odieux, peut-être même au premier degré, donc passible de la peine de mort.

– Vous facilitez le vol de dizaines de gallons d’acide sulfurique en pleine nuit, sans vous poser de questions ?

– Monsieur le Juge, c’est par amitié, sous le coup d’un serment, que j’ai enfreint vos lois, et en plus j’étais saoul.

Dix ans ! Dix ans de pénitencier. Et là, je pensais à Johnny Cash “… My Mama told me son, always be a good boy… I’m stuck in Folsom prison …” et sa guitare, sa Martin D-35, ronronna dans ma tête pendant des heures.

Tu as une petite vie tranquille, une gosse, tu divorces, tu bosses, tu payes tes pensions réglo, tu dragues un peu, tu bois des bières le soir avec des potes, et voilà par amitié, pure amitié, tu te retrouves dans un truc plus sombre et plus épais que de la merde, un truc en toi, une boue intérieure, un ketchup de goudron, un gros chewing-gum qui gonfle dans ta tête. Et quand, il pétera, tu sais qu’il y en aura partout et du collant dont tu ne pourras pas te débarrasser, même en te lavant les mains au savon noir.

D’habitude, le soir, je ne ferme jamais ma porte à clé, personne ne le fait ici. On vit dans la confiance entre nous. C’est une erreur que je ne commettrai plus.

Je n’étais pas allé bosser à cause de cette gangue intérieure qui me rongeait le cerveau. Le boss avait pris note de ma prétendue migraine et lâché :”J’espère que ça va pas durer, on a des commandes”.

Je me suis servi un verre de whisky que j’ai laissé à gauche du téléphone. A sa droite, sur un mouchoir propre, j’avais disposé les deux reliques en turquoise pour me souvenir de Stella. Sur une page blanche, j’ai dessiné des plans, des plans que j’ai dénommés A, B, C, D. Mais, ils aboutissaient toujours à la case prison, à Folsom. La seule inconnue serait la durée de la peine. Il fallait que je la joue naïf, grand con qui s’est fait avoir, le gars pas futé qui voulait rendre service à un ami chômeur en difficulté. Ce ne serait pas trop dur, car c’était la réalité. Comme circonstance atténuante, je devrais très vite dénoncer Duane, c’est à dire me dénoncer aussi. Chaque minute passée à peser le pour et le contre, le juge me comptabiliserait des mois de prison en plus. J’ai fini mon verre avant de composer le numéro du shérif. La porte a claqué derrière moi et j’ai vite posé le combiné.

– Tu appelles qui ? a demandé Duane.

– Heu… Samantha … La pension n’a pas été virée.

Duane s’est approché. D’un coup d’œil, il a photographié le verre, le téléphone et l’héritage de Stella. Il a décroché le combiné et pressé sur la touche mémoire. On a entendu la sonnerie, puis une voix de femme “Allo, Police Department”. Et il a raccroché avec une gueule de Rambo contrarié.

– Ta femme travaille maintenant dans la police ? Je croyais qu’elle était strip-teaseuse au casino.

J’étais congelé malgré la température de cette matinée déjà remplie de soleil. Il a pris mon verre et s’est servi une rasade. En silence. Et je ne voulais rien ajouter au silence, car je savais que les mots qui le couperaient n’apporteraient que plus de malheur au malheur présent.

– Pour Stella, ce n’est pas du tout ce que tu imagines. C’était un accident. Elle s’est énervée et je n’aime pas les femmes qui hurlent. Ecoute Ricky, au nom de notre amitié, j’ai encore une fois besoin de toi. J’ai de nouveau merdé avec une fille, celle de la table de blackjack du casino, la blonde toute bouclée, Jessica. Et je sais, je suis persuadé que tu m’aideras toujours dans ces moments difficiles. Des fois, je ne me maîtrise plus et une personne, en général une femme, en fait les frais. Tu es le seul sur qui je puisse compter. Tu m’aideras Ricky ?

J’ai pensé à la chaise électrique et me suis levé malgré ce poids sur mes épaules pour lui dire « Bien sûr Duane ». Depuis, je prie. Je prie pour que cela cesse un jour. J’ai aussi acheté un flingue, c’est si facile par ici. Des fois qu’il tourne autour de ma fille, je le buterai, c’est sûr. Alibi ? Complice ? Maintenant assassin ? Toute la sainte journée, je prie pour ne pas aller en prison. Ce que je sais, c’est que là-bas à Folsom, j’étudierai la gemmologie, car à perpète tu oublies vite comment on pêche une truite.

Commentaires (1)

Pierre de lune
19.10.2016

Bonjour ! Bravo pour cette voix singulière et authentique de Ricky, un récit fascinant, un super moment de lecture ! Au plaisir de découvrir d'autres nouvelles :-)

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