Chapitre 1

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Une visite pilotée par deux guides inspirés et passionnés, à la découverte d'une institution qui s'est donnée une mission titanesque: œuvrer pour les générations futures... Comment? Quelle est la bonne réponse au dilemme: TOUT conserver ou sélectionner? Sans oublier le paradoxe de la lumière...
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C’est Élisabeth et Vincent qui nous accueillent et nous ouvrent le labyrinthe de la BNS. Labyrinthe en apparence seulement, car tout est prévu dans les moindres détails pour ne pas s’y perdre, pour pouvoir chercher et trouver des trésors insoupçonnables et insoupçonnés. Nos deux guides sont des personnages rares: inspirés par leur sujet et propulsés par leur passion. Ils nous racontent, nous montrent, nous expliquent, nous surprennent… nous ouvrent toute grande une fenêtre sur une planète sans confins, bien que le périmètre en soit parfaitement défini: conserver tout ce qui décrit et se fait en Suisse et au sujet de la Suisse sous les multiples formes de la communication. La mission de la Bibliothèque Nationale Suisse est d’«œuvrer pour les générations futures»… cette dimension temporelle donne des ailes à cette «maison» et à tous les documents qu’elle contient, elle leur donne un élan d’«immortalité».

Cent trente ans d’histoire ont tracé la route de ce bâtiment, qui n’a pas toujours existé à l’emplacement actuel et qui connaît une évolution constante. L’architecture des années ’30 a gravé les lignes d’un concept révolutionnaire pour l’époque: faire entrer un maximum de lumière dans la construction, utiliser des matériaux essentiels et «bruts» (béton, acier, verre). Le « énie du lieu» prend forme: un dépouillement essentiel enveloppe la densité des contenus et résiste imperturbable au temps qui passe. Une première extension verticale de huit étages se prolonge désormais en autant de niveaux souterrains. A l’horizon 2030 il est prévu que ces espaces seront probablement saturés: une nouvelle extension/évolution est à prévoir. Si la lumière est « éclairante », elle décolore aussi, consume et efface les documents: gérer ce paradoxe est un défi permanent.

Entretemps nos guides passionnés nous font découvrir les trésors de certaines archives: les cahiers manuscrits et «construits» avec dessins et découpages des rêves de Corinna Bille, la chronologie d’une œuvre de Jacques Chessex, une lettre incendiaire de Blaise Cendrars au sujet de la Tour Eiffel et sa signature d’une rare élégance, pourtant écrite de sa main gauche (la droite ayant été perdue à la guerre…). Des trésors mémoriels, des bijoux d’émotions émergent des boîtes d’archives, aussi soignées et précises qu’un exercice d’orfèvrerie. Vincent nous montre jusqu’où peuvent aller la précision, le soin, la méthode: ses gestes sont exemplaires et uniques dans la manipulation de ces trésors – je les vois comme des reliques. Je devine les heures de préparation nécessaires à cette présentation.

J’espère que les rails du plafond sur lesquels glissent les charriots qui déplacent les livres survivront à la prochaine restructuration de la Bibliothèque Nationale Suisse: ils sont la trace mémorielle d’une technique dite «industrielle» , mais si simple et efficace… et que c’est beau, symboliquement, de voir arriver et repartir des livres par les airs… des livres qui s’envolent vers un emplacement bien précis et qui emportent avec eux notre imaginaire et nos rêves… Ainsi le temps qui passe se dissout dans la lumière et ne consume pas les chef-d’œuvres: ils sont installés, avec toutes les autres œuvres écrites, dans la lumière de l’immortalité.

Témoignage de la visite guidée de la Bibliothèque Nationale Suisse organisée le 9 mai 2025 par Webstory.

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