“Le rêve représente la réalité intérieure telle qu’elle est; non pas telle que je la suppose ou que je la désire mais bien telle qu’elle est.” C-G.Jung
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Le rêve de Violetta Chap 19 Jeanne analyse son propre rêve

« Le rêve représente la vérité intérieure telle qu’elle est ; non pas telle que je la suppose ou que je la désire mais bien telle qu’elle est. » Jung

Angelo a passé de longues heures à guetter le retour de Jeanne et il s’est précipité à la rencontre de sa fille dès qu’il a entendu le moteur de la voiture. Lorsqu’il a compris que Christelle n’était pas là, il est entré dans une fureur non contrôlée, accusant sa femme d’être trop compréhensive et la rendant responsable d’une situation qu’il ne cherchait même pas à élucider. Sa colère a précipité Jeanne dans un trou sans fond et pour la première fois, elle a dormi dans un autre lit que le leur. Ce qu’elle ne peut admettre c’est qu’il n’ait pas répondu à son besoin de tendresse et de bras protecteurs autour d’elle. Le voyage l’avait épuisée mentalement et physiquement et elle n’avait qu’un but : se retrouver en sécurité, chez elle, près de son mari. Lorsqu’elle s’est réveillée, elle a constaté qu’il n’était pas dans la maison et ce matin elle va à son cabinet avec la douloureuse certitude que sa vie ne présente plus d’intérêt, ni pour elle, ni pour les autres qui combleraient facilement le vide de sa disparition.Assise à son bureau, elle repense à son rêve de la nuit qui la laisse très perplexe. Elle, la spécialiste, ne comprend pas le message apparemment très clair qui lui est donné:

« Je suis à la cuisine, en train de manger avec Angelo. Quelqu’un ouvre la porte d’entrée et je me précipite pour voir qui arrive. C’est Christelle, elle est rayonnante. Je l’accueille avec effusion. A ma grande stupéfaction, je ne comprends pas un mot de son discours qui est incohérent. Je la regarde avec effarement et me précipite vers Angelo en criant: “Elle délire, elle délire!” Il me rassure en me déclarant que ce n’est pas grave.”

Pour y voir un peu plus clair, Jeanne décide de retourner dans le rêve et d’entrer dans le personnage de sa fille. Quel est cet aspect de sa personnalité qui délire ? Elle va répondre à toutes les questions qu’elle pose d’habitude à ses clients, lorsque la situation le permet.

– D’abord, qui suis-je dans le rêve ? Bien évidemment une jeune femme qui a une nouvelle à annoncer à sa famille, qui ne le fait pas au bon moment et qui n’arrive pas à se faire comprendre.- En quoi suis-je semblable à Jeanne ?

– Comme elle, je perçois les événements selon mon point de vue qui me semble le seul valable et je veux ensuite l’imposer aux autres, quel que soit leur état d’esprit. Je pense que le monde est beau et j’ai encore beaucoup d’illusions sur la sincérité des êtres humains. Je veux croire qu’ils sont animés de sentiments positifs à mon égard.

– En quoi suis-je différente de Jeanne?

-Je suis plus intransigeante qu’elle et porte sur les autres un jugement souvent exact mais également peu nuancé. J’ai de la peine à admettre que l’on ne soit pas blanc ou noir mais que toutes les nuances du gris existent.

– Est-ce que cela me plaît à moi, Jeanne, d’être Christelle ?

– Oui parce que je suis jeune, je vis une belle aventure même si je n’arrive pas à en parler et j’ai autour de moi des gens qui m’aiment.

– Est-ce que cela me déplaît aussi?

Oui car j’éloigne de moi celle qui m’aime le plus au monde, ma mère, qui était pourtant très attentive à ce que je disais et qui s’enfuit en criant.

– Quelle serait pour moi, Christelle, la fin qui transformerait le rêve en cauchemar ?

Que mes parents ferment leur porte et décident que l’on ne peut plus communiquer avec moi. Qu’ils me rejettent-

– Et quelle serait la plus belle fin ?

– Que je puisse leur exprimer mon amour et avoir avec eux une conversation où chacun a le droit d’exprimer son désarroi.

Jeanne s’est livrée à cet exercice en notant ses réponses car elle sait combien il est important de retrouver les mots exacts qui ont surgi spontanément sans être dictés par le souci de dire des choses cohérentes ou logiques. En retournant dans le rêve, on peut tenir certains propos qui nous surprennent lorsqu’on les relit ou lorsqu’ils nous sont répétés. Quels sont les mots qui la frappent ?« J’ai une nouvelle à annoncer à une personne que j’aime plus que tout et pourtant je ne parviens pas à le faire. » En développant cette affirmation, la rêveuse réalise que Christelle représente un aspect intransigeant et peu nuancé d’elle-même. Elle ne cherche pas à savoir si le moment est opportun, elle veut juste faire son annonce sur le pas de la porte et sans précaution. Et son discours est incompréhensible pour celle qui l’entend.

Un voile se déchire dans le cerveau embrumé de Jeanne. En relisant ses réponses, elle n’a pas de peine à faire le lien avec la situation qu’elle est en train de vivre. N’est-elle pas arrivée devant son mari de manière tout-à-fait inopinée pour l’informer, à sa manière, des récents événements? – Elle aurait pu l’appeler pour lui dire que leur enfant était heureuse en Italie au lieu de décider égoïstement qu’Angelo accepterait sa version des faits dans laquelle elle se donne le beau rôle de la mère parfaite. Mais elle n’est pas arrivée au bon moment et surtout, elle n’a tenu aucun compte du fait que son mari avait certainement passé la journée à attendre des nouvelles et à se réjouir de retrouver sa petite dernière, tout en se reprochant de ne pas avoir pu accompagner sa femme. Il a toujours l’air de ne pas être concerné par ce qui arrive aux êtres chers, même lorsque la culpabilité lui fait perdre le sommeil. Il veut se persuader que tout va bien dans le temps même où il se débat contre des scénarios catastrophes dont il porte la responsabilité. Jeanne y voit plus clair maintenant. Elle sait qu’elle ne doit pas en vouloir à celui qu’elle n’a pas ménagé mais bien au contraire, terriblement malmené, en jugeant à sa place de ce qui était bon pour lui. Le rêve vient lui montrer la voie à suivre et la fin la plus heureuse. « Que je puisse leur exprimer mon amour. » Ce n’est pas à Angelo de la prendre dans ses bras, comme elle l’aurait souhaité. Son attitude arrogante de mère toute puissante le prive de son rôle de père. Elle joue le rôle d’intermédiaire entre sa fille et lui. Pourquoi n’a-t-elle pas laissé l’intéressée l’informer elle-même de sa décision ? Lorsque Christelle lui a fait le récit exact des circonstances qui l’ont amenée à l’appeler au-milieu de la nuit, elle a enfin pu se détendre et accepter la situation. La jeune fille était sous le choc d’un horrible cauchemar dans lequel elle avait vu brûler la maison paternelle.Tous les membres de sa famille s’y trouvaient mais elle ignorait s’ils avaient pu être sauvés par les pompiers qui étaient arrivés sur les lieux. Elle entendait crier son frère. Son compagnon avait essayé en vain de la tranquilliser : elle n’avait réussi à se calmer qu’après avoir appelé sa mère au secours.Au réveil, elle regrettait sa réaction incontrôlée mais elle savait que Jeanne devait déjà être en route et elle se réjouissait trop de la revoir pour lui demander de faire demi-tour. Il était essentiel de la mettre au courant de ses projets avec Sandro car elle ne pouvait continuer à vivre dans la clandestinité et laisser les siens dans l’ignorance de sa nouvelle vie. Le feu de la passion qu’elle ressentait pour son compagnon allumait en elle des sentiments si forts qu’elle avait peur de se laisser consumer et elle devait retrouver le soutien de sa famille dont elle redoutait la réaction mais qui n’allait pas disparaître dans les cendres. Les rêves de feu témoignent d’une vie émotionnelle intense et puissante mais ils indiquent aussi le péril. Une forte énergie psychique peut se manifester sous une forme destructrice. L’histoire de la rencontre de Christelle avec son futur mari, au-milieu de la nuit, alors qu’elle s’était égarée dans la campagne et cherchait un gîte pour la nuit semble bien être le fruit d’un destin très malin. Le hasard n’existe pas dans le monde symbolique. Tout son périple avait-il pour seule fin de faire d’elle Madame Sandro Fabeni ? L’avenir le dirait. Cependant, lorsque l’on regardait le couple avec un œil plus objectif que celui de la stupéfaction, leur amour était si évident que la question trouvait d’elle-même sa réponse. Et c’est parce qu’elle était elle-même rassurée que Jeanne avait très égoïstement décidé d’attendre son retour à la maison pour parler à Angelo. Elle comprend maintenant que ses représailles à elle auraient été bien plus graves si c’était lui qui était parti et l’avait laissée sans nouvelle. Dans son rêve, il l’apaise en déclarant que ce n’est pas grave si Christelle profère quelques propos inintelligibles. Jeanne a envie de remercier son inconscient pour ce message consolateur qui lui donne l’énergie de se voir comme elle est en réalité et non comme elle se plaît à se contempler. Ce qui est la fonction principale des rêves. A cet instant précis où Jeanne déborde de tendresse pour ce compagnon qui a toujours été présent malgré les tempêtes, la sonnerie du téléphone retentit. Et lorsqu’il lui demande d’une voix inquiète comment elle va, elle ne peut que lui murmurer qu’elle l’aime et qu’elle se réjouit de passer la soirée avec lui. Un sourire éclaire enfin son visage après tant d’obscurité. Elle pense que sa manière de mettre à jour dans les rêves ce qui aide à mieux vivre provoquerait certainement les propos moqueurs des théoriciens de la psyché. Ne fallait-il pas voir dans ce rêve toute la complexité de la relation mère-fille, les failles narcissiques, l’impossibilité à communiquer et les dangers de l’amour fusionnel ? Et plonger plus profondément dans la culpabilité ? Jeanne est convaincue que les réponses données lorsque l’on retourne dans le rêve viennent également de l’inconscient et ne nous trompent pas. Elle a trouvé dans ce jeu de rôle une énergie de vie qui a ranimé la flamme de l’amour pour Angelo et toute sa famille.

 Elle n’a pas l’intention d’aller vérifier par des théories “scientifiques” le bien-fondé de la méthode. Et elle a terriblement envie de boire un chocolat chaud, très noir, avec beaucoup de crème fouettée. C’est alors que la sonnerie du téléphone retentit à nouveau. Violette voudrait de toute urgence lui parler. Elle semble si inquiète que Jeanne trouve une heure en fin de journée pour la recevoir

 

A suivre: Chapitre 20 La robe de mariée

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