Créé le: 19.09.2022
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Petit homme

Notre société, Poème en prose

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« Il n’y a point de victimes dans le monde ; il n’y a que des infirmes et des anémiques. » (André Suarès, Trois hommes : Pascal, Ibsen, Dostoïevski, 1913)
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Pauvre petit homme ! Cela fait des siècles que tu te plains, que tu te dis victime de l’égoïsme des forts.

Tu as réclamé des droits, encore des droits, toujours plus de droits. Tu les as obtenus, même les plus démentiels. Avec ta dignité gonflée de tout ce fatras de droits, es-tu heureux, petit homme ? Ta vie est-elle intéressante ? Ton esprit brille-t-il d’intelligence, d’imagination, de savoir, d’humour ? Peux-tu t’honorer d’avoir le sens du beau, le goût du geste, la faculté de l’étonnement ? Ton caractère est-il marqué par le courage et la générosité ? Es-tu fidèle à la parole donnée ? Une exigence de hauteur guide-t-elle ta conduite ?

Non, petit homme ! Tu n’es qu’un minable avorton ; tu n’as reçu qu’une dignité sans valeur, puisque automatiquement conférée à tout être humain par une Déclaration qui sent l’arnaque. Tes droits, identiques à ceux de tes voisins, ne sont pas des conquêtes, mais d’immenses défaites.

Élevé comme un enfant-roi, tu es devenu un de ces innombrables parasites qui ne font rien pour cultiver en eux les qualités du chercheur, du poète et du héros.

Tu pleurniches chaque fois qu’on t’égratigne, tu protestes chaque fois qu’on te frustre, tu déposes plainte chaque fois qu’on t’insulte. Tu dégaines ton ressenti à tout bout champ. Petite créature gavée de droits, tu n’es même plus l’homme du ressentiment, qui avait au moins encore assez d’énergie pour cracher le venin de la haine ; tu n’es désormais que l’homme du ressenti, autant dire une poule mouillée.

Ton existence vouée au plaisir facile, consacrée au Bien-Être, ton Dieu copain, me fait pitié. Non, le mot n’est pas juste, tu ne mérites pas ma pitié. Dégoût, mépris, voilà qui sonne mieux ! On devrait te fouetter un peu pour te punir de mener si piètre combat.

Tu te dis progressiste, petit homme. Progressiste, une étiquette à la con pour désigner le partisan de l’extension infinie des droits. Tu me dis fasciste, parce je fais l’éloge de la force. La vitalité penche vers la force.

Oh, ne t’inquiète pas ! Tu n’as rien à craindre de moi, pauvre infirme ! Je suis favorable à la protection des faibles, de tous les faibles, même les vilains comme toi. Je ne veux pas te faire de mal, j’espère seulement parvenir à te flanquer la honte pour que tu te redresses, pour que tu sortes de ton addiction aux droits.

J’aimerais t’aider à devenir un homme, un dur, un noble, un vrai. Je ne dis pas cela par charité. Il me plaît davantage de pouvoir admirer que de devoir mépriser.

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