Créé le: 16.02.2012
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MATRIX I Case Story: Le présent
Comment, en partant d’un vécu banal et quotidien, on en vient à revisiter sa vie et redécouvrir ses rêves. Matrix I est le rez-de-chaussée de Case Story: LE PRESENT
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Matrix I: LE GRAND CHANTIER
Année 2004 – Chantier sweet chantier.
Je vis dans un chantier. L’immeuble est en rénovation totale avec la particularité que les locataires continuent de vivre dans leur appartement durant les travaux. Tout est rénové: la façade, l’entrée, les portes, les boîtes aux lettres, les parquets, la peinture, les salles de bains, la cuisine. C’est un enfer.
Les occasions de faire sauter les plombs ne manquent pas, alors pour ne pas faire d’histoires, je saisis ma plume pour écrire des histoires. Elles me mèneront là où je ne m’y attendais pas.
Matrix I: Le grand chantier
12.12.04 – Chantier sweet chantier.
Encore un petit mot avant de me tirer du bureau pour retrouver mon chantier sweet chantier.
Ces temps, mes lectures sont instructives… une pile de modes d’emploi. Du frigo, du lave-vaisselle, de la hotte, du four etc. Je suis douée, j’ai réussi assez rapidement à maîtriser l’horloge du four (non pas le temps). Il m’a fallu deux jours pour mettre l’heure correcte sans déclencher le four au milieu de la nuit. Failli faire griller les garanties que les ouvriers avaient posé dans le four.
Jeudi soir, je suis arrivée devant une porte d’entrée barrée. Interdiction d’entrer à cause du parquet. Maintenant je mets également mon scotch en travers de la porte le matin avec la mention: ouvert dès 8h30, merci.
Comme dans les meilleures maisons, j’ai la chance d’avoir trois salles de bains: celle de ma voisine genevoise, celle de ma voisine chinoise et celle de ma voisine allemande, pour ne pas faire de jalouses.
Tout va bien Madame la marquise.
Allez savoir s’il existe un lien, mais vendredi matin j’ai glissé, suis tombée de toute ma hauteur et le soir… Mon pied n’était pas beau à voir. J’ai ainsi découvert la médecine chinoise de ma voisine chinoise qui m’a refilé des huiles de corne de tigre. J’ai cru bon de me fabriquer un plâtre façon “grand-mère” avec du blanc d’oeuf battu. C’est magique pour immobiliser la cheville. Intuitivement je n’ai pas rajouter le poivre qui fait chauffer l’endroit abîmé… Heureusement car sur une entorse il paraît qu’il faut du froid. Tout cela n’a pas empêché ma voisine de m’emmener aux urgences vers 22h pour soumettre sérieusement mon cas. Béquilles, injection de Fraxiparine, compresse froide et aircast. Après la visite, nous avons mis un temps fou à ressortir du parking sans le ticket que ma voisine avait perdu…
Le lien avec l’appartement? C’est que mon état m’a interdit tout effort de déménagement ce week-end et c’est ma fille et le voisin Jean (une armoire) qui ont tout déplacé, pendant que je préparais le thé. Pour s’attacher la visite et l’aide de Jean, rien de tel que de l’inviter à s’assoir dans la fauteuil en cuir. Objet inexistant chez lui pour cause de surpopulation, Jean aime prendre son temps à discuter chez nous, dans le fauteuil.
Ainsi, grâce à ces échanges, j’ai découvert que j’étais une “scrappeuse” et que Jean et sa femme animent des ateliers de scrap et qu’il est un fou du net. J’envisage sérieusement d’intégrer le scrap à mon actif. Le scrap est une passion aux USA. C’est une sorte d’artisanat familial qui consiste à créer des pages d’albums photos, avec des techniques et des matériaux qui durent plus de 100 ans. Le scrap est une idée des Mormons bien sûr. Les ancêtres.
17.12.04 – Chantier, sweet chantier
Le chantier a sa poésie. Pour me souvenir des noms des ouvriers qui circulent dans mon appartement chaque jour, j’ai dessiné mentalement un paysage ensoleillé représentant une forêt et un château au bord d’un lac.
Le soleil, Monsieur Días (maçon), vient chaque matin me tenir au courant de l’avancement des travaux et prendre de mes nouvelles; la côte, Monsieur Costa (peintre) me talonne pour m’inciter à dégager les meubles du salon pour terminer son travail; afin de laisser la place à la forêt, Monsieur Da Silva (parquet), qui n’en finit pas de m’expliquer pourquoi la résine à l’eau, c’est mieux pour la santé que la résine synthétique; pendant que le château, Monsieur Del Castel (nettoyeur), se cache derrière les créneaux pour éviter de réparer la bibliothèque que ses molosses ont cassé. Tout cela sous l’oeil avisé de l’insaisissable vizir, Monsieur Bauer (chef de chantier).
Cela explique pourquoi ils ont aménagé une cascade ravissante dans l’allée, en perçant par malheur un tuyau d’eau chaude. Nous, qui n’avons plus de salle de bains, sommes ravis.
Matrix I: Faits divers
02.02.05 – J’y crois pas t’sais…
Il faut apprendre les langues et en ce moment je m’applique à une langue vivante à la vie très courte: le langage des jeunes.
Ainsi l’autre jour j’ai offert un sac à ma fille, un de sa race de la mort qui tue (étonnement positif), plus tu meurs, parce qu’avec l’autre que je lui ai offert, elle se paie la honte (pas beau).
Il va juste trop bien avec sa chemise qui déchire grave (très chouette) genre à pleurer sa mère (synonyme de chouette). Trop cool. Elle était genre trop contente, j’y crois pas t’sais. Elle apprécie les belles choses, c’est pas comme ces stressés de la vie qui kif rien à rien. C’est vrai quoi, le verlan, c’était plus facile: meuf, keuf… mais maintenant je suis trop à la rue (paumée). Et il y a des mystères comme le mot «kif», je lui ai demandé de quoi ça venait, parce qu’en verlan, cela donne «fik»… je pige que dalle. Elle m’a répondu qu’elle ne connaissait pas l’étymologie… Elle a craqué ou quoi (ça va la tête)? De toute façon je suis trop à l’ouest (paumée).
Ce qui manque dans la littérature, c’est un livre historique de la jeunesse. Un livre d’histoire où on ne parle que des jeunes générations qui se succèdent et qui inventent leur monde, leur langue, musique, danses, vêtements… ce serait trop cool. Ca me plairait bien de faire ça, genre trop pas quoi.
Matrix I: 100% Genève
Deux chinoises se trouvent dans le même compartiment SNCF. Elles viennent de Singapour et nous entamons la conversation en anglais. Elles me disent être déçues que personne ne parle l’anglais à Genève, encore moins le vendeur au guichet de la gare. Je demande leur destination, le pourquoi et je comprends. Séjournant quelques mois à Genève, elles voulaient traverser une frontière – n’importe laquelle – pour visiter la ville la plus proche en France. C’est ainsi qu’elles se sont retrouvé avec un aller-retour pour Bellegarde… Je les encourage à continuer jusqu’à Lyon si elles veulent voir une belle ville. Ayant expliqué le tout au contrôleur, il leur modifie le coût du trajet avec un 25% de rabais pour étudiantes. Elles ont 49 et 52 ans.
08.02.05 – Jour de mardi gras: relooking
Nouvel appartement, nouveau look…Mes copains de Lyon se sont mis en tête de me relooker. Rendez-vous à 9h30 le 8 février à Lyon pour faire les choses en grand: coiffeur, maquilleuse, petit encas à midi puis conseillère en vêtement. Le résultat est au-delà de mes espérances. Le coiffeur n’y va pas par quatre chemins: coupe (et quand je dis coupe, c’est au sens propre et au figuré), mèches, couleur. La maquilleuse me transforme en une belle et subtile femme de jour. Après le déjeuner, mes amis m’emmènent dans une boutique minuscule: 2 mètres sur 3, tellement que je me demande quel choix peut-il y avoir dans cette boîte d’allumettes. Manquant d’espace, mes conseillers vont faire un tour dehors puis reviennent se poster sur le trottoir d’en face, devant une vitrine de modèles de voitures réduites. Je sélectionne, avec l’aide de la vendeuse, une série de vêtements et à chaque essai, je fais signe à mes amis d’approcher pour donner leur verdict. Ils traversent la rue à chaque fois pour contempler le déguisement par la vitrine, hocher ou secouer la tête en signe de jugement. Parfois ils ajoutent un geste approbateur «pouce en l’air». Une fois, rien qu’à voir leurs visages, je comprends «pouce en bas». A chaque fois, ils retournent devant la vitrine de petites voitures jusqu’au prochain «top» risquant leur vie en traversant la route.
Découverte de mon nouveau moi, ou plutôt le moi qui fait son coming out comme on dit. Ma marque sera à l’image de la collection Save the Queen, née à Florence, ville de mon cœur. Sur l’étiquette des vêtements, je lis ce texte enchanteur:
«J’ai murmuré des légendes. J’ai dessiné des mythes d’époques lointaines. J’ai brodé des fables dans le cœur des gens. Je suis la Reine de tout ce que vous avez oublié. J’arrive depuis toujours de chaque coin du monde. Mon voyage traverse les pays, les peuples, les saisons. Pour moi, le soleil ne se couche pas. La lune ne se lève pas. Le cadran solaire n’a pas d’ombre. Je vis dans les pensées portées par le vent dans les couleurs de la lumière. Je vis dans la fantaisie des hommes. Et je suis dans l’espérance des souvenirs. Je porte avec moi les symboles des traditions, les amulettes des cultures, les héritages de l’histoire. J’évolue au rythmes des danses antiques et de mes lèvres ressuscitent des chants dépourvus de notes. Voici pour vous, mes rêves écrits sur le carnet du voyage infini.» Ca, c’est de la pub!
Matrix I: Road stories
Depuis que je roule en Citroën, j’entends des bruits bizarres-mais-pas-graves dans ma voiture. Tellement, que les passagers restent crispés alors que je n’entends plus le concert de sons: fibrillation du ventilateur, klonk de la roue gauche, grincement de la pédale d’embrayage, couinement des freins, thic’thac des essuis-glaces, vrombissement de l’essuie-glace arrière, tonk à l’ouverture de la portière droite… Tout de même, l’autre jour lorsque l’embrayage a lâché devant le feu rouge, c’est le TCS qui a sauvé ma voiture: une saxo, comme saxophone.
20.02.05 – L’heure en Equateur
Ce matin, choc et déception. L’horloge de ma voiture est à l’heure suisse depuis la première fois en cinq ans. Pour connaître l’heure, je devais déduire 6 heures et ajouter 20 min à l’heure affichée pour obtenir la bonne réponse, un exercice d’arithmétique mental efficace pour garder l’esprit alerte. Il suffisait d’adapter le «taux de conversion» selon le dérèglement progressif et mystérieux de ce cadran (fusible, panne.. ?). Mais l’heure –6+20min (-5+20min en été) qui correspond en gros à l’heure de l’Equateur, pays proche de mon cœur, a duré longtemps et ne m’empêchait pas d’être à l’heure.
22.02.05 – L’heure en Equateur (suite)
Ouf, ce matin je constate que l’horloge avance déjà de 6 minutes en plus de l’heure suisse. Bientôt nous allons refaire un tour du monde aiguilles en main, comme une paire de rames pour traverser l’Atlantique. Je vis à l’heure biologique. D’ailleurs je n’ai pas de montre au poignet et quand j’en ai une, c’est pour l’esthétique. Quant au réveil-matin, pareil. Il ne sonne jamais sauf quand j’ai un train à prendre, et encore, en général je me programme la tête pour me réveiller avant, et ça fonctionne.
Matrix I: Faits divers
Au sommet d’un toit j’ai vu une colombe se poser exactement entre deux pigeons. Joli contraste clair-obscur. Ce sera une journée magnifique.
23.02.05 – L’étoile
La journée «colombe» s’est terminée par l’apparition d’une étoile filante, de celles qui prennent leur temps et laissent une longue trace. J’ai fait un vœu.
Matrix I: Le grand chantier
23.12.04 – Interruption Volontaire de Chantier
Le 23 décembre 2004 à 13h10 exactement, nous avons eu une Interruption Volontaire de Chantier (IVC). Volontaire, de la part du contrôleur de chantier qui est venu faire un tour et a sommé les ouvriers d’arrêter leur travail avec effet immédiat, pour causes syndicales de Noël. Involontaire, pour les locataires, car finir avec effet immédiat ne veut pas dire que les finitions sont terminées. Nous avons donc un bon-pour-finition dès le 3 janvier pour rajouter du mastic, enlever les tâches d’eau, remettre les cache-serrure, réparer la prise du téléphone, fermer le trou dans les toilettes… et entre autres, voir pourquoi le néon de la salle de bain passe la nuit à geindre, et pourquoi l’émail de la baignoire s’en va à chaque utilisation.
Matrix I: 100% Genève
Je me suis surprise en plein sexisme quand je fais mes courses. Si c’est un homme qui tippe à la caisse, je change de caisse parce qu’un homme c’est moins rapide qu’une caissière. Y a-t-il un guichet pour ce genre de confessions? Je cherche l’absolution.
Matrix I: Road stories
Dans un état «sans raison», je chemine sur l’autoroute derrière un camion. Pas d’état d’âme. Mon regard revient dans le présent et ajuste la netteté sur les pares-boue du poids lourd. Ils sont au nombre de quatre et sur chacun se lit en majuscules le nom CASE.
Ce sera une journée magnifique.
Matrix I: Le grand chantier
Parmi les nombreuses missives affichée dans l’ascenseur, l’une d’elles a retenu mon attention:
Concerne: séance de doléances locataires.
«Madame, Monsieur… la séance d’information du lundi 28 février 2005 à 9h00 est supprimée. Nous vous remercions de votre compréhension…»
Sacré Bauer.
Matrix I: Road stories
Il neige ce matin.
Je roule glauque dans un paysage d’hiver. A la sortie de Coppet, j’aperçois un paysage de mer bleue, petite brise et soleil sur un panneau publicitaire: «Chypre, une île où il fait bon se ressourcer en toutes saisons».
Je continue à rouler
Avant Genève, une affiche d’art montre un frileux paysage de mer: «Impressions venues du nord…»
Je continue à rouler
En arrivant à Carouge, un ciel bleu avec un zeste de nuages sur le parapluie d’une passante…
Mes prévisions: giboulées d’humeurs pour la journée.
Matrix I: 100% Genève
03.03.2005 – L’argent qui tombe du ciel
Le vœu du 23.02.05 s’est réalisé: j’ai vérifié mon compte – que je croyais vide – et par magie, il était plein d’argent tombé du ciel. La «magie» en question, c’est la banque qui a fait l’erreur comptable de me verser trois fois la même somme… et j’ai dû rendre le surplus. Surplus pour qui?
Matrix I: Road stories
16.03.2005 – La quatrième dimension
Mercredi 9h36’2 du matin. Je découvre la quatrième dimension rue des Maraîchers. Sur le panneau, la durée de parking est inscrite en toutes lettres «Temps de stationnement 90 min».
Lorsque je m’apprête à insérer la monnaie dans le parcomètre, il est tout aussi clairement indiqué «Chargement maximum 92 min».
Où sont passées ces 2 minutes? Et combien y a-t-il de couples-minutes perdues dans la cité? Comment les récupérer, les comptabiliser? Leur faire faire des petits?
Matrix I: Le grand chantier
La partie s’annonce serrée. Il y a trois ans, Jules a construit un banc grec, bleu et blanc sur notre balcon, savant mélange de maçonnerie artisanale, système D et beaucoup d’amour. L’architecte de la rénovation n’apprécie pas du tout et fait le forcing pour ordonner la destruction de l’œuvre au bénéfice de rien du tout, ni personne. Les maçons font partie de l’équipe collective en faveur de l’expression-artistique-et-du-bien-être-des-locataires. Jusqu’à présent, ils ont ignoré les ordres de l’architecte. Le banc restera. D’ailleurs il a déjà été repeint d’un blanc résistant, par deux maçons sourds…
Matrix I: Road stories
Mon embrayage tout neuf émet un drôle de bruit. La pédale grince en s’enfonçant, puis le mouvement inverse m’envoie une sorte d’aspiration agonisante. Je retourne chez le garagiste pour vérifier cette nouvelle musique. En chemin, la voiture qui me précède est une Saxo… Opéra. Ca promet pour le prochain modèle!
25.03.2005 – L’aventure en CFF
Pour les aventures, pas besoin de prendre le bateau. Le train suffit.
Pont-Céard-Lausanne aller-retour en 3 heures, le temps d’aller à New York en Concorde. Avec la troisième voie, tout se complique. Je me lance et prends un billet à Fr. 2.20 (retenez bien ce chiffre) depuis Versoix pour Coppet, où je dois changer de train pour aller à Nyon pour changer de train pour aller à Lausanne.
Arrivée à Coppet, un problème demeure: où acheter mon billet puisqu’il n’y a plus de guichet, plus de gare et un automate friand de monnaie, qui ne prend ni la carte de crédit, ni les billets de banque? J’aperçois un bus «Nyon» dont le chauffeur m’explique que mon choix est le suivant: soit il me vend un ticket pour le bus et je mets 20 minutes pour atteindre Nyon, soit j’opte pour le train sans contrôleur qui met 5 minutes. Par contre s’il y a un contrôle, c’est Fr. 80.- d’amende. D’humeur peu combative ce jour là, je prends le bus. En un clin d’œil me voici à Lausanne.
25.03.2005 – L’aventure en CFF (suite)
Le retour: mon billet étant valable seulement jusqu’à Coppet, j’en achète un autre pour le tronçon Coppet – Pont-Céard au guichet de Nyon. Prix Fr 2.30 (??). Comprenne qui peut.
Confiante, je plonge dans mon livre pour constater qu’après l’arrêt de Coppet, la vitesse croissante du train m’enlève tout espoir d’un éventuel arrêt à Pont-Céard. C’est qu’il ne faut pas confondre régional et interrégional. Je me retrouve à Genève, pestant contre un automate à billet qui refuse d’afficher l’arrêt demandé.
De rage, je saute dans le train direction Versoix – sans billet. Cette fois, je suis d’humeur combative. Vive la voiture, même la mienne.
25.03.2005 – La quatrième dimension des CFF
Dans le nouvel horaire CFF – TPG – TPN – NStCM – Car postal – BAM – TPM et TL la page d’explication des signes est une apothéose de perfection. Les CFF ont même été jusqu’à prévoir des «arrêts seulement pour laisser monter» et des «arrêts seulement pour laisser descendre», symbolisés par une demi-lune noire. Le signe «arrivée» est un cercle blanc. Ainsi, chaque arrêt n’est pas forcément signalé comme une arrivée. Que deviennent les voyageurs qui n’ont jamais réussi à descendre?
Suite Road stories
L’Italie. Imaginez le décor. Un petit restaurant de village en haute montagne. Atmosphère grandiose, grise et calme. Dans le restaurant une table avec des carabiniers et des officiels, ou des escrocs de classe. Les costumes et les uniformes sont parfaits, galonnés d’or, chaussures brillantes. Ils ont l’air de discuter de choses graves, des chuchotements, des silences qui en disent long. Les yeux à peine levés de l’assiette. Tout à coup, un rire de bébé éclate. Le carabinier décroche son téléphone pour hocher la tête et donner quelques ordres. Quelques minutes plus tard, à nouveau un charmant petit rire de bambin adorable. Le carabinier répond à nouveau. Contraste hallucinant entre ambiance Cosa Nostra et sonnerie de portable du carabinier.
Le pape se meurt, Le Rocher pleure, le mari de Caroline de Monaco est au pire, ma voiture agonise depuis des semaines malgré ses 124’000 kilomètres. Après l’embrayage et le changement des freins, un nouveau grincement persistant annonce que le câble d’embrayage se grippe. Dernière rechute en date, hier. Le petit clignotant rouge qui m’amuse depuis des mois, vient de s’allumer pour de bon, entre deux tunnels de l’autoroute de contournement. Une surchauffe du moteur m’immobilise au bord de l’autoroute, à la hauteur d’une borne SOS, jusqu’à l’arrivée des secours. C’est là que j’ai pu contempler un magnifique graffiti, immortalisé sur mon mobile. Ce n’est pas tous les jours que je peux faire des photos sur l’autoroute. Cela m’a valu de déchirer ma belle jupe en dentelle (achetée à Florence pas plus tard que la semaine dernière!) à la portière. Dure dure la vie de paparazzi.
Matrix I: Le grand chantier
22.04.2005 – Chantier sweet chantier.
D’un immeuble vétuste, nous sommes arrivés en six mois à une rénovation en péril. Abandonnés, usés par le bruit, la poussière et le laisser-aller, ouvriers et locataires affichent la mine maussade. Vaillants et loyaux, Emile et Monsieur Diaz veillent sur mon balcon grec durant leur tournée quotidienne sur les échafaudages. L’architecte a disparu. Lorsque Emile passe devant ma fenêtre sans son chapeau, je sais qu’il va faire beau. Aussitôt que le froid revient, Emile remet son chapeau. Je sais à coup sûr comment m’habiller pour la journée.
22.04.2005 – Chantier sweet chantier (suite)
Les habitants de l’immeuble se penchent sur un article concernant les réductions de loyer accordées par les tribunaux. Ainsi, on apprend que le bruit vaut 5% de plus de nuisance que les mauvaises odeurs, peut-être parce que le nez s’y habitue. SAUF, si l’odeur est «insupportable», du coup elle devient plus nuisible que le bruit. Les bruits d’avions «insupportables, dans un quartier tranquille» 30% de rabais si cela dure 7 jours sur 7. Le locataire qui habite le 4e étage (pas un autre) a droit à 10% de réduction de loyer si l’ascenseur est en panne. Par contre, moi habite le 6e étage, j’ai droit à 15% de réduction dans le même cas, mais uniquement si la machine à laver, la buanderie, l’antenne TV et le galetas sont «inutilisables». Ce qui réduit à 100% mes chances d’une éventuelle réduction de loyer.
L’atteinte à la vie privée due aux échafaudages vaut 15%. Situé en pleine campagne, je n’ai jamais vérifié si un rucher se trouvait à 10 m de la chambre des enfants, ce qui m’aurait valu 10% de réduction à cause des piqûres d’abeilles, bien sûr, mais également à cause des «excréments». Le tableau ne dit rien sur les fientes d’oiseaux qui visent mon store tout l’été. Le plus beau: dans le cas où l’un d’entre nous ouvre un salon de massage dans l’immeuble, tous les locataires bénéficient d’une réduction de 35%… de loyer bien sûr.
Matrix I: Road stories
24.04.2005 – CFF comme Fellini
Ma voiture étant à nouveau chez le garagiste, je me trouve sur la voie qui mène à Genève. Je rentre dans la cabane prendre mon billet dans le distributeur. Parmi les destinations possibles: Coppet, Rolle, Lausanne, Montreux… toutes vont dans le même sens alors que je jure avoir vu un train rouler sur Genève toute à l’heure. L’ouverture pour la monnaie est condamnée. Finalement je découvre un distributeur qui fonctionne tout là-bas au bout du quai. En revenant j’aide un brave touriste qui se gratte la tête devant le même appareil absurde. Je descends à Lancy Pont-Rouge, la toute dernière station «in» de la région, mais aucun bus part dans ma direction. C’est donc à pied que je regagne mon bureau. Qu’il en faut de la bonne volonté pour prendre les transports publiques.
Matrix I: 100% Genève
Quand j’ai le blues, je fais un détour par l’aéroport et me plante une demi-heure devant l’arrivée des voyageurs. Tous ces gens qui s’embrassent, s’accueillent, pleurent de joie de se retrouver. Les chiens et les enfants qui transgressent les barrières pour sauter dans les bras d’un maître ou d’un parent. Les bouquets de fleurs, les petites attentions, les personnes âgées qu’on aide, les amoureux qui ne décollent plus des lèvres… c’est beau et ça fait du bien. Je conseille de s’y rendre le jour de la Saint-Valentin, c’est encore plus émouvant.
Matrix I: Faits divers
26.06.2012 – Semer des graines dans le cimetière
L’intention était bonne, ce qui inaugure souvent le contraire. Nous sommes partis au cimetière pour l’anniversaire de ma mère. Anniversaire qu’elle ne fête plus étant donné qu’elle habite maintenant le cimetière. Ayant trouvé un sachet de graines illustré d’une photo d’un mélange de fleurs, je l’ai pris avec moi pour planter ces fleurs sur la tombe, qui a la grandeur d’un lit conjugal. Mon père me dit que les jardiniers ont déjà tout prévu, mais tant pis, ça fait un peu “graffeur”de cimentière d’aller semer des fleurs là où on ne s’y attend pas, comme un message secret caché dans un coin de jardin. Devenu complice, mon père fait des trous dans la terre avec la pointe de son parapluie, et moi, je laisse tomber quelques graines à chaque fois. Nous arrosons soigneusement les lieux témoins de notre complicité et partons en riant sous cape, espérant que les jardiniers ne prendront pas nos pensées pour de la mauvaise herbe. Dans la voiture, je mets enfin mes lunettes et constate qu’il s’agit non pas de graines de fleurs, mais de l’engrais pour plantes de balcon.
Matrix I: A toutes voiles
21.03.2005 – Une femme à bord, acte I
Il se perfectionne à la navigation en Normandie, histoire de devenir skipper certifié, et parcourir toutes les subtilités du RIPAM. Raccourci ésotérique pour dire Règlement international pour la prévention des abordages en mer. A force de l’entendre réciter et décrire toutes les manœuvres à effectuer en cas de problèmes, il a une chance de s’en tirer avec les honneurs en terminant toutes les consignes par “… si la visibilité et le temps le permettent”. Essentiel pour un capitaine. Ce que le manuel ne dit pas, c’est comment prévenir les difficultés. Il suffit de ne pas prendre de femme à bord, car c’est bien connu: cela porte malheur. Le b-a-ba consiste à ne pas prendre de femme sur un voilier. Surtout pas moi. Et pourtant il insiste pour que nous allions une semaine à voile, alors qu’il sait que les trois fois où il a tenté ce genre d’expérience, nous avons frôlé l’irréparable (pour le bateau).
Matrix I: Road stories
Parquer à Genève, c’est avant tout une affaire de chance et de système D. Je possède les deux. D’abord grâce à Léon, le ferblantier qui a son bureau en dessous du mien. Lors qu’une voiture squat sa place de parc, il lui colle des autocollants de son entreprise un peu partout. Moi, j’y ai eu droit, mais nous sommes copains, alors il en a seulement posé un grand sur ma vitre arrière. Je l’ai gardé, et depuis, je stationne ma voiture sur les chantiers. C’est vrai que lorsque les ouvriers me voient sortir avec mon tailleur-attaché-case, le doute s’insinue, mais personne ne me fait de remarques. Léon fait partie de mon tissus de relations grâce auxquelles je collectionne les autocollants, et non les amendes. Ainsi j’ai les autocollants: sage-femme en service, Organisation Mondiale de la Santé, Haute Ecole de Santé et auto-école (celui-ci m’est utile à Lausanne). Malgré tout, parfois il m’arrive d’avoir une amende que je paie avec humilité. Après tout, un parking à 40.- par mois dans une ville comme Genève, c’est donné.
A propos de Léon. L’autre jour, la gérance lui a demandé d’aller sur le toit de l’immeuble. Il n’avait pas du tout envie. Après tout, il est à la retraite. Il a mis son échelle, et quand il a essayé de passer par la lucarne qui mène au toit, il est resté coincé au niveau de son embonpoint. Il ne pouvait ni avancer, ni reculer. L’échelle est tombée et la gravité a tiré Léon vers le bas. Pas trop de casse heureusement. Maintenant je lui rappelle la résolution qu’il a pris en début d’année: se prendre en main et retrouver sa taille de jeunesse. Et moi, je continue à lui faire de la pub sur les chantiers.
Matrix I: A toutes voiles
23.03.2005 – Une femme à bord, acte II
Ile de Martinique. Soleil éclatant, ciel bleu, mer limpide, petite brise et deux touristes se promenant sur la plage. Lui, voit des petits catamarans à louer et offre à la femme un tour, histoire de lui monter comme c’est agréable et facile. A peine éloigné du bord, une tempête de pluie s’abat sur nous, pauvres touristes. Un vent furieux nous emmène vers le large. Lui, sourire figé, me conseille d’enfiler la veste de secours et de m’agripper où je peux. Il réussit finalement à virer de bord pour nous diriger vers la plage. A 20 mètres du sable, la tempête et le vent disparaissent subitement.
Soleil éclatant, ciel bleu, mer limpide, petite brise et deux touristes trempés affalés sur la plage.
06.04.2005 – Une femme à bord, acte III
Persuadé qu’une semaine en voile aura raison de ma réticence, il m’emmène à Marseille, port dans lequel il a loué un voilier, le plus confortable qui soit. Nous restons deux jours à quai, terrés au fond du bateau attendant une accalmie de Mistral. Bravant cette violence, il décide de sortir du port pour gagner du temps. Après tout, nous n’avons qu’une semaine de vacances devant nous.
A peine sortis du port, seul bateau à tenter l’expérience, le vent nous oblige à foncer sur la gauche, vent en poupe. Je fais confiance au capitaine les yeux fermés, car les ouvrir tient de l’impossible. En fin de journée, l’espoir est récompensé. Il me fait miroiter une halte – dans la mesure du possible – dans une calanque adorable, occupée par un charmant bistro. A l’idée d’une soirée romantique, je fonds. Mais voilà, le petit Bombard gonflable censé nous mener à la plage est troué. C’est donc à la nage, dans une eau glaciale, avec le billet de Fr 100.- pincé dans mes cheveux que nous traversons les 200 m de distance qui nous séparent du charmant café… qui s’avère être fermé pour la saison froide…
Mettant toutes les chances de notre côté, nous emmenons nos quatre enfants pour deux semaines en bateau, un skipper femme comme capitaine. Le plan: partir d’Antibes, traverser pour admirer les baleines en direction de la Corse. Entre la terreur de heurter un bateau en pleine nuit (on ne voit rien et c’est pas drôle le quart) ou de frôler une baleine qui dort, le vent décide de nous laisser tomber pendant 6 heures à quelques encablures de la Corse. Et la raison pour laquelle nous restons surplace est que le moteur nous lâche à son tour. Lorsque le vent se réveille enfin pour nous amener à 1 mile de l’arrivée, le vent nous large à nouveau. Après quelques hésitations nous prenons la décision de faire appel à la police navale pour nous remorquer. A peine leur vedette en vue, le vent se lève pour nous emmener à bon port sous les insultes des carabiniers. Mais le moteur est gravement cassé, et les vacances foutues. La skipper nous annonce qu’elle va s’occuper de son bateau et que la croisière est terminée. C’est dans un hôtel que nous continuerons nos deux semaines de vacances, avec la télé et une voiture de location pour se déplacer. Je suis aux anges.
23.04.2005 – Une femme à bord, acte V
Le sort s’acharne contre moi. Je lui offre un billet de loterie Rento pour qu’il nous gagne des vacances. Loin de moi l’idée d’un voyage en mer. Pourtant le billet nous donne comme un signe prémonitoire: la première pastille à gratter révèle… un bateau, la deuxième la lettre «Z». Faut-il y lire un avertissement ou un espoir? Mais que veut Neptune à la fin, nous attirer au fond de l’eau!
11.04.2005 – Une femme à bord, acte V
Pourquoi le mistral a-t-il soufflé autant? Pourquoi tout le monde s’est désisté pour remettre le voyage une semaine plus tard? Questions qui demeurent sans réponses, et qui prouvent une fois encore la force de ma pensée. Durant la semaine de vacances, le voyage en voilier s’est transformé en ballade à Florence et Sienne. Sous la pluie,mais au sec. Cette fois c’est gagné, plus personne prendra le risque de m’emmener sur un voilier.
Matrix I: Road stories
Le poids des réparations sur ma voiture m’oblige à suivre un régime financier. Première mesure: augmenter les rentrées. Je trie mes vêtements et parcours les boutiques seconde main pour confier mes habits en dépôt. Ceci a le double avantage de me débarrasser de vêtements superflus pour me fournir du cash avec lequel j’achèterai de nouveaux vêtements. Le solde ira au recyclage. C’est une excellente démarche qui affûte mon sens de la vente, qui servira à son tour à acquérir de nouveaux mandats avec mon nouveau look. Deuxième mesure: baisser les frais. Le hasard m’amène devant l’école professionnelle de coiffure. Une expérience inédite. Je monte, d’un pas hardi, pour entrer sans rendez-vous dans une salle où 35 femmes coiffent, crient, s’échangent les brosses et au milieu de ce poulailler se trouvent un homme à la caisse (bien joué!) et un jeune homme pour m’accueillir. Celui-ci prend mon manteau et me désigne une place au bac. Ceci résume sa prestation. Les femmes prennent le relais. J’entends la patronne crier pardessus les clientes ébahies: «Mais Vanessa*, n’allez pas vous laver les mains pleines de couleur dans ce lavabo, il est pour la vaisselle, vous le voyez bien!» «Attention Sylvie*, posez donc ce produit à défriser près des pointes, sinon la racine va brûler!». Du côté des apprenties on entend «Mais où elle est ma cliente, quelqu’un a vu ma cliente? Elle était assise là.» «Elle ne veut pas payer, elle ne savait pas que c’était une école!» C’est dans ce charivari que je mets mes beaux cheveux aux bons soins de Valérie* fine jeune fille avec des ongles immenses au bout de ses doigts pleins de bagues… En fermant les yeux, on se croit dans les rues de China Town, juste avant que la mafia ne surgisse pour tirer à la mitrailleuse sur le padrone.
* Prénoms fictifs. Suite de Road stories
Matrix I: 100% Genève
08.05.2005 – jardin privé avec vue pour Fr 2.50
Ce dimanche j’aimerai trouver un jardin au bord du lac pour siroter un jus dans le calme absolu, sans foule, plongée dans un bon livre. Il suffit de faire confiance à la chance, de se laisser déposer n’importe où près du lac. Je trouverai à pied. En effet. Je passe un après-midi merveilleux à la plage (publique) du Vengeron. Un temps magnifique, la vue imprenable depuis le jet d’eau jusqu’à la Tour de Ripaille. Le clapotis de l’eau répond à celui des glaçons de mon verre et je suis l’unique cliente de ce jour, allongée dans une chaise longue, les pieds sur une chaise. Tout ça pour 2.50 c’est-à-dire une petite bouteille de rosé (8.-) que le patron des lieux a ouvert et divisé par trois pour m’en servir une dose (2.50). Comment est-ce possible? Réponse: la conjoncture extraordinaire de deux événements annuels ordinaires: la fête des mères retenues dans les mauvais restaurants avec leurs familles, et, le marathon de Genève qui a retenu tout le trafic entre Genève et Bellevue. L’extraordinaire se trouve à la frontière de l’ordinaire, pour ceux qui réalisent leurs rêves.
Matrix I: Road stories
L’horloge s’affole à nouveau. A croire que toutes les réparations récentes ont stressé ma petite voiture. Son cœur bat au rythme de la samba avec 10 heures de retard sur Genève et 3 minutes d’avance. En clair, lorsqu’il est 18h41, elle affiche 8h44. Hier, à 22h22, le compteur indiquait 122’222 kilomètres, instant historique que j’ai marqué en m’arrêtant au bord de la route pour respirer et sentir le bonheur des petites choses de la vie qui n’arrivent qu’une fois.
Nez Rouge est for… for…formidable! J’en ai fait l’expérience hier soir. Invitée chez mon neveu et sa jeune épouse auprès desquels j’avais la mission d’apporter une marmite del’Escalade (j’ai opté pour une vraie marmite en cuivre, remplie de goodies), j’ai compté avec toute ma conscience civique le nombre de verres de vin que je pouvais boire pour éviter la prison: 1. Sur ce, mon charmant neveu m’incite à goûter d’autres vins en me rappelant que Nez Rouge est là,pour veiller sur les citoyens. Du coup, c’est sans peur et sans reproches que j’ai passé une excellente soirée. Surtout que j’étais seule, donc je ne pouvais pas jouer les 2 rôles à la fois: celle-qui-boit, et celle-qui-conduit. Trois charmants garçons sont arrivés: celui-qui-conduit, celui-qui-veille à côté de moi, et celui-qui-accompagne ma voiture avec la sienne. Le meilleur est pour la fin: celui-qui-veille était étudiant en médecine, et celui-qui-conduit…conducteur TPG! La preuve que je sais utiliser les transports publics, avec en prime un petit cadeau pour la cliente: une bouteille de Badoit. Mais ce n’est pas fini! Sur le prospectus de soutien à Nez Rouge, figure Emilie Boiron…Miss Suisse Romande 2002 pour l’appel de fonds. Désormais, je sou… sou…soutiens Nez Rouge.
P.S. Bien sûr, j’avais mes béquilles et mon aircast au pied… En plus du vin
Matrix I: A toutes voiles
27.04.2005 – Une femme à bord, acte VI
L’eau, c’est mon élément. La voile a comme élément: l’air. Tout est là. Ce qui explique mon habitude de sauter par-dessus bord au moindre problème sur un bateau, car je me sens davantage en sécurité dans l’eau. Ce qui rend tout capitaine fou. Un exemple lointain: le bateau accoste dans un port. Je suis à l’avant, chargée de signaler l’approche des rochers pour la manoeuvre. Réalisant trop tard que les rochers sont tout proche, mon réflexe est de sauter à l’eau pour retenir le bateau d’une main, avec ma force tranquille. Le capitaine, affolé, se précipite pour découvrir, dans l’eau, une sirène entourée d’une corolle de tissu (ma longue jupe gitane), suffoquant d’étonnement à la prise de conscience qu’un bateau à voile, n’a pas de marche arrière ni de frein.
Matrix I: Le grand chantier
Mes enfants ont trouvé un billet en rentrant: «Ne fermez surtout pas la fenêtre du balcon car je suis sur les échafaudages, Signé: Mâ». Lorsqu’on habite le 6e étage, c’est hyper pratique ces structures pour nettoyer les vitres extérieures, et comme le chantier va bientôt arriver à sa fin (pas à nos fins), profitons-en!
Matrix I: Road stories
Fête des mères, St.-Valentin, nous ne fêtons pas ces traditions. Par contre, nos voitures se souviennent de la St.-Valentin. Il était parqué derrière moi, le museau de sa voiture tout contre la mienne. Sur le pare-brise il a trouvé une petite attention amoureuse: un bon de lavage, avec polish et tout, de la part de ma Saxo. Leur relation ne date pas d’hier, mais du jour où nous avons remarqué que nos plaques d’immatriculation étaient des anagrammes. Mêmes numéros 1, 2, 3, 4, 5 dans le désordre, et un zéro de plus pour lui.
Aujourd’hui, je porte une attention toute particulière aux feux pour les piétons. Je remarque qu’ils sont très différent les uns des autres. Parfois le bonhomme vert est à gauche, parfois à droite, avec ou sans chapeau, seul ou accompagné, avec ou sans pare-soleil, etc.
Celui des Eaux-Vives est magnifique: un piéton vert avec une aile en papier collé sur son dos. Cet ange lumineux est le mien. Pour le photographier, j’actionne le bouton d’arrêt du trafic. Devant un alignement parfait de voitures, je sens derrière moi les regards furieux des automobilistes, mécontents de constater que je ne traverse pas… Je prends seulement une photo de mon ange du trafic sans me faire écraser.
Matrix I: Nanette
N’ayant pas de télé, le match de foot Chypre-Suisse, je le vois chez Nanette. A 86 ans, elle incarne une véritable légende de la consommation. Un appartement minuscule, encombré de souvenirs et de produits soldés, avec une immense télévision, muni du lecteur DVD dernier cri. Se faufiler entre les meubles, les soirées télés en sa compagnie est un régal. Nous mangeons les spaghettis devant la télé avec tout le cérémonial des nappes en dentelles, de l’argenterie, du vin italien. Nanette, toujours parée de bijoux divers, même lorsqu’elle est en peignoir, a une vie remplie comme son séjour, de mille activités. Lorsqu’elle revient de ses sorties – exemple: la visite du musée militaire de Morges – elle organise son quotidien composé d’articles de nécessité à double ou triple exemplaires. Aux toilettes, il faut trois sortes de papiers: celui pour le liquide, le solide et le très solide. A la salle de bain, trois tubes de pâte dentifrice accrochés au mur: une pour le matin, le midi et le soir. Si j’ai besoin d’un fil ou d’un papier d’emballage cadeau, elle sort des boîtes et des rouleaux par centaines. Des couvertures? Il y en a de toutes les tailles, matières et couleurs. Une épicerie à elle toute seule. Elle ne résiste pas aux actions commerciales. Passionnée par le bricolage, elle “habille” tous les produits de nettoyage de papier, d’autocollants pour en faire des bouteilles personnalisées “plus joli”. Monsieur Propre est méconnaissable. Si les chefs marketing savaient… Et puis sa bibliothèque est chargée de livres recouverts de jolis papiers, si bien qu’aucun titre n’est visible. Les journaux et les magazines sont soigneusement parcourus et découpés. Là, où les imprimeurs ont laissé du papier blanc, Nanette s’approprie des carrés qui serviront à prendre des notes ou à dessiner. Rien est perdu. Même pas son sens de l’humour. Par contre, elle ne comprend rien au foot.
Matrix I: Road stories
L’ange du trafic a encore frappé. Ma voiture, ma voiture chérie m’a lâchée. A 12h30 sur l’autoroute A1 entre les travaux de goudronnage nocturne et la bande d’urgence sous une pluie à noyer les escargots. Un appel au Touring et j’attends, musique plein tube, que le chevalier de la route me sorte de cette mauvaise passe. Peu après, un chevalier-camionette-remorque nous embarque, voiture et moi, jusque devant mon immeuble.
Mais voilà. Tout l’été, je me retrouve à pied, dans les transports publiques, le tout agrémenté d’un abonnement Mobility. Mon rythme se modifie. J’écoute les bruits de la rue, je respire les odeurs de rosée du matin, je prends le temps d’apprécier. J’arrive toujours à l’heure, mais ce n’est pas forcément l’heure du rendez-vous. Parfois j’attends. Jamais je ne cours. Il m’arrive, en chemin, d’écrire des SMS à des amis. Pour me ralentir vraiment, l’ange du trafic a également mis à l’arrêt l’ascenseur pendant trois semaines et j’habite au 6e. Ma vie change au fil des semaines, des mois. Sur les quais, dans les trains et les bus, je rencontre des gens que je n’avais plus vu depuis longtemps. Forcément puisque nous n’allions pas au même rythme. Il arrive parfois des détournements complets. Aujourd’hui, je suis arrivée 8 minutes avant le départ du train. Me suis trompée deux fois de quais. Arrivée enfin au bon départ, l’épreuve: prendre le ticket sur la borne à écran tactile: un cauchemar. Il n’y a pas la destination que je veux, ni l’itinéraire et je reviens en arrière plusieurs fois pour sélectionner une autre option. Je ne veux pas aller à Coppet, je ne veux pas le multi-courses, l’abonnement hebdomadaire, le tarif AVS, ni le tarif enfant… Non, pas l’italien, le français… l’heure défile et je n’ai toujours pas mon billet. Pour une fois que j’avais la monnaie, il faut payer avec la carte!
N’arrivant à rien avec cette foutue machine, je choisis un brave homme sur le quai et lui demande de m’aider à prendre mon ticket. Facile! Facile en effet. Avec une aisance parfaite, il entre les données qui tout à coup deviennent cohérentes. L’itinéraire, le prix, tout est parfait. Je lui suis tellement reconnaissante. Juste le temps de sauter dans le train pour découvrir sur l’écran le nom de la destination. “Coppet”. C’est un super régional, de ceux qui ne s’arrêtent justement pas dans la région, mais plus loin. De ceux où vous descendez pour remonter dans le train qui va en sens inverse, car vous êtes allé trop loin. Le temps de ressortir avant que les portes ne se ferment. Mon chevalier me regarde perplexe. A quoi elle joue?
Le temps m’appartient à nouveau. Je décide de prendre le bus. Et devant moi passe une dame dont le visage m’est familière. Je la reconnais, c’est une ancienne conseillère fédérale. Il n’y a qu’en Suisse où ce genre de rencontre peut avoir lieu. Je l’aborde et c’est avec naturel qu’elle me salue et que nous entamons une conversation. Le temps de monter ensemble dans le même bus et je lui parle de mes projets. Quelques arrêts plus loin, elle descend et me souhaite bien du succès. Arrivée au terminus, ma promenade reprend dans la fraîcheur d’une nuit d’automne. Tandis que les voitures filent à toute vitesse pour prendre l’autoroute, j’ai la chance, moi, de retrouver le rythme de la vie. Et tout ça,à cause d’une voiture en panne sur l’autoroute.
Matrix I: Le grand chantier
Après six mois de travaux,l’absence d’échafaudages exalte la ménagère en moi. C’est dans un grand envol passionné que je secoue les draps par-dessus le balcon… et que je rattrape in extremis ma petite culotte prise dans le tissu et qui allait atterrir sur la tête des ouvriers en bas. Parlons “heures de ménage”. Si vraiment je veux contribuer à augmenter son taux (à lui) de participation aux tâches ménagères, je dois forcément baisser mes heures de moitié. C’est fait. Dernièrement, il a constaté avec étonnement la poussière qui s’accumule de son côté du lit…
Matrix I: Road stories
Au sommet d’un toit j’ai vu une colombe se poser exactement entre deux pigeons. Joli contraste clair-obscur. Ce sera une journée magnifique. La journée «colombe» s’est terminée par l’apparition d’une étoile filante, de celles qui prennent leur temps et laissent une longue trace
J’ai fait un vœux
Un de ces rares moments où le temps s’arrête sur une image féérique.
En traversant Coppet, je remarque une maison aux volets bleus, un panneau bleu «Information» accroché contre le mur, et un camion bleu stationné en zone bleue devant. Un flash photo dans ma tête pour mémoriser cet instant de «blues».
Matrix I: A toutes voiles
30.06.2008 – La statue maudite, acte VII
Il a rapporté de Bali, une poignée de statues dont une s’avère maléfique. C’est ce que nous supposons à la façon de son regard et de la série de malheurs programmés qui lui arrivent régulièrement. Je décide qu’il faut, pour conjurer le sort probable ou fictif, de renvoyer la statue à Bali. Ca fera un bibelot de moins, et on ne sait jamais… Comment renvoyer une statue à Bali ? A qui ? Je pense à un temple perdu dans la jungle, avec un petit mot «Cette statue recherche son origine, veuillez la remettre à sa place… ». Non, ça ne va pas. Puis… LUMIERES ! Il suffit de la jeter à la mer, geste symbolique s’il en est. Puis, la statue retrouvera son chemin vers son île. Je l’emballe soigneusement et l’emporte avec moi en vacances. Sur le son bateau,j’aurai l’occasion d’accomplir ma mission secrète, car pas question de révéler mes intentions.
30.06.2008 – La statue maudite, suite
Lorsque nous sommes quatre à bord, es occasions de jeter une statue à la mer, discrètement, sont rares. Quand et où ? A l’abri des regards, pas dans le port, c’est trop statique…il faut trouver un moment au large. Mais au large, le bateau bouge et il est à la barre, donc à l’arrière. Je me range discrètement à l’arrière, avec un gros linge de plage dans lequel se trouve la-statue-qui-porte-malheur de Bali. Pour accomplir le rituel dans les règles, je joins un petit mot à l’intention de la statue… on ne sait jamais. Et soudain, je sens que c’est le moment: je lance le paquet à l’eau et ma pensée libératrice avec. Fière de moi. Plus tard, je lui explique
– Tu sais, la-statue-qui-porte-malheur de Bali? Eh bien, elle ne te porteras plus malheur.
Il répond perplexe :
– Quelle statue?
– La statue, tu sais, la fameuse statue posée sur l’étagère au salon? Je l’ai jeté dans la mer l’autre jour.
Il me dit :
– Ce n’est pas la bonne statue. La statue-qui-porte-malheur de Bali, je m’en suis débarrassé il y a bien longtemps.
Nous rions tous les deux. Qui peut affirmer laquelle des deux statues portaient malheur ? Nous voilà rassurés. Toujours est-il que chaque fois qu’il arrive un malheur sur le bateau ou que l’orage menace, nous invoquons, en riant, la statue.
Matrix I: 100% Genève
Avec Léon, le ferblantier qui ason bureau en dessous du mien… Rien avoir avec le «sweet chantier». Avec Léon-le-ferblantier, Reymond-l’architecte et Gérald-le-menuisier, on organise chaque année la verrée du faubourg, réunissant plus de 30 personnes des entreprises locataires de notre immeuble industriel à Carouge. Cela nous donne l’occasion de tester les vins que Léon apporte du Valais, le saucisson que Reymond déniche chez un paysan. Bref, nous avons même testé la fondue au champagne avec Pierre-le-comptable, entassés dans le minuscule bureau de Léon.Ce dernier s’est installé dans l’entresol, ancien dépôt poussiéreux de 1m60 de hauteur, qu’il a transformé en salle de Reiki. C’est le Stamm de l’immeuble,d’autant que suite à diverses aventures, Léon a été nommé concierge de l’immeuble, car l’entreprise de nettoyage de la régie ne faisait pas son travail. Cela arrange tout le monde. Un jour, la régie demande à Léon d’aller vérifier les tuiles du toit. Un mauvais pressentiment à l’idée de devoir prendre l’échelle et passer par la petite lucarne sous le toit. Léon a pris son courage à deux mains. Arriva, ce qui ne devait pas arriver. Il est resté, de par son embonpoint, coincé dans la fenêtre, l’échelle est tombée et Léon avec. Heureusement Reymond-l’architecte s’est précipité pour le conduire aux urgences, et notre Léon est revenu réparé. Le Reiki, c’est efficace.
Ferblanterie, menuiserie, fabrique de Tofu, architecture, detective privé (souvent déguisé pour passer incognito pour ses filatures), entreprise de nettoyage, informaticien,pianiste… Le numéro 11 est un trésor de PME. Une de nos coutumes, dès que la première neige tombe, nous traversons la cour pour aller boire le café chez Etienne-l’informaticien.
Ce week-end, il y a eu lutte entre le MecBouquet et moi. Le MecBouquet est un bouquet sauvage que je compose en forêt. Etant donné la fin de l’hiver, j’ai imaginé un ensemble de cardères brun foncé au centre, entourés de roseaux brun clair, puis un deuxième round de roseaux beige clair. Un beau dégradé de bruns. Puis il fallait du lierre sec fin-de-saison, et des branches de sapin vert clair pour figurer la touche de printemps naissant. L’image était bien nette dans ma tête. Une lutte ! A croire que l’hiver résiste. Non seulement j’ai fait un parcours de 60 kilomètres circulaires pour trouver les espèces convoitées, mais elles ne voulaient pas collaborer pour former un bouquet harmonieux, ni rentrer dans le vase. J’ai dû recommencer trois fois, avec trois vases différents: un véritable carnage! En prime, le lendemain, l’eau du vase était sale comme si le bouquet avait uriné dans son pot. Pour embêter. Ce bouquet ressemble tant à la lutte menée qu’il fait penser à un bouldogue, un beau bouldogue.
08.06.2005 – Les extra-terrestres
Sur le chemin, des personnages que personne ne voit. Derrière la gare, immobile dans une foule qui se croise,une femme habillée de noire, comme une bonne sœur. Elle semble hésiter à remonter au ciel.
Plus loin, vers le Rhône, une autre apparition. Toujours une femme, immense clocharde sans âge. Ses vêtements amples et troués flottent autour d’elle dans un tourbillon lent. S’est-elle échappée du Moyen Age?
Juste avant Carouge, un lutin féminin bariolé de couleurs à petits pois, nez pointu et chapeau à pompons, me sourit des yeux.
Je me pince pour ne pas me perdre dans la Matrix.
Matrix I: Faits divers
Ma fille m’a approché, l’air grave, pour me poser courageusement une question qu’elle retourne sans cesse dans sa tête. Finalement, elle s’est décidé à la formuler: Pourquoi est-ce que je n’ai toujours pas de carte Cumulus de la Migros? Cette question métaphysique est tellement vaste et complexe que je n’ai pas trouvé les mots.
Elle souhaite – en plus de la carte cumulus – que j’acquiers une machine à laver le linge. Je lui demande de m’expliquer la différence entre les frais fixes et les frais variables. Elle me dit:
– Les frais fixes, c’est fixe, on ne peut rien y changer et les frais variables, ce sont des frais qu’on peut éviter.
Je la félicite et lui réponds qu’en conséquence il n’y aura pas de nouvelle machine à laver.
Un soir d’été sur une petite plage lémanique avec les enfants, petits et grands, un lot de feux d’artifices et le pique-nique. La nuit se fait attendre et le petit Vincent ne tient pas en place. Il me demande pour la centième fois quand est-ce qu’on a allumer les feux d’artifices. Mes nerfs commençant à se manifester, je lui demande:
– Tu as ton ticket pour les feux?
– Le Ticket?, me demande-t-il affolé.
– Evidemment. Il faut un ticket pour voir les feux. Ton père ne t l’a pas dit?
Je lis la panique sur son visage. Avec le bon sens des adultes, je l’informe qu’il y de la chance, car je possède quelques tickets au prix d’un franc. Le petit Vincent court se procurer une pièce auprès de son père. Il m’achète fièrement le bout de papier improvisé que je lui tends. Le problème étant réglé (nous avons déjà gagné 10 minutes de tranquillité), il me montre fièrement son ticket pour avoir droit au lancement des fusées.
Détaillant attentivement son «ticket», je lui dis:
– Ah, mais ça ne marche pas comme ça, Vincent, ton ticket n’est valable que dans une heure.
C’est gagné! J’ai une heure de paix pendant que le petit Vincent demande chaque minute à son père l’heure qu’il est.
A continuer dans MATRIX II Case story: le présent
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