Créé le: 27.02.2014
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Allégorie du désert

Billet d'humeur, Philosophie

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© 2014-2024 Philippe Mosiva

La vie d'un grain de sable n'a de sens que celui que l'on veut bien lui donner.
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Structure désertique

Me voici donc, petit grain de sable, au milieu de cette étendue désertique. Individu unique fondu dans la masse. Je me trouve à la base de ma dune, au milieu de celle-ci précisément. Mon rôle premier, d’aucuns diront unique, est de tout faire pour soutenir les grains de sable du sommet de la dune, pour qu’ils jouissent d’une vue et d’une exposition exceptionnelles. Ils sont les seuls à pouvoir observer le reste du désert de leur position, tandis que nous nous contentons d’écouter leur témoignage sur son apparence en les croyant aveuglément. Ce sont uniquement eux que l’on voit lorsque l’on porte le regard sur cet océan aride, eux qui, en quelque sorte, façonnent l’image que l’on se fait de lui lorsqu’on y pense. Ils ne sont pourtant pas plus représentatifs de ce qu’est un désert qu’un autre, mais ils attirent plus l’attention.

Pourtant, sans les autres de mon genre et moi-même, cette structure n’aurait aucune stabilité et se transformerait vite en un amas désorganisé en perpétuel effondrement. C’est un rôle quelque peu ingrat, certes, mais c’en est un comme les autres, ni plus, ni moins enviable au final. De plus, il semblerait que, si on laisse suffisamment de temps pour que cela se produise, parfois le vent tourne et précipite les grains se trouvant au sommet vers les fondements des dunes. Les grains en dessous se voient alors portés petit à petit vers les sommets, pouvant ainsi jouir à leur tour des plaisirs que ce statut procure avant de retomber à nouveau dans les tréfonds de l’anonymat.

 

Unité et unicité

Lorsque l’on prend assez de recul sur cette immensité jaunâtre, elle nous apparaît comme uniforme. Cela ressemble à une somme d’éléments identiques, les grains de sable, formant une entité, une dune, elle-même identique à une autre s’étant formée tout à côté ou même à l’autre bout de l’étendue. Or, si l’on en observe attentivement deux distinctes, on s’apercevra qu’elles ont autant de différences que de similarités. Chacune possède ses caractéristiques propres la définissant, perdues au milieu de caractéristiques génériques définissant une dune en général.

On pourrait alors penser qu’elles sont différentes, mais que tous les grains les composant sont similaires. On ne pourrait cependant être plus dans le faux, tant il est vrai que la même observation pourra être faite sur les détails que sont les grains que sur les ensembles que forment les dunes. Il est même plus probable d’en trouver certains issus de dunes différentes qui présentent des similitudes troublantes, presque des doubles parfaits, que de faire cette découverte au sein d’une seule.

Il existe toutefois, et c’est bien regrettable, une tendance générale à laisser le sentiment d’appartenance prendre le dessus sur le bon sens. Cela a pour effet de créer chez les membres de la dune une certaine animosité envers les membres des autres. Les dunes, en tant qu’entités, développent d’ailleurs trop souvent un courant de pensée selon lequel les autres auraient une importance moindre, voir totalement nulle, dans le rôle de définition du désert.

 

Rêve commun

Il y a en revanche une chose que nous avons, selon moi, tous en commun. Il est souvent dit, comme une légende se transmettant de génération en génération depuis des temps immémoriaux, que des lieux existent où l’on serait affranchi de toutes structures inéquitables. Des lieux où, paraît-il, le temps s’écoule paisiblement, où les différences s’estompent pour ne laisser jaillir que les similitudes, où les rudesses de nos jours dans les dunes laissent leur place au bonheur et à la douceur. On appelle ces endroits des oasis. Ils sont, semble-t-il, assez rares et aucun grain n’en serait jamais revenu pour témoigner. L’envie de trouver un de ces endroits, le rêve même, est cette chose qui nous caractérise tous. Je ne connais pas un grain qui ne souhaite pas y aller.

Toutefois, le chemin pour y accéder est difficile et hasardeux. Souvent, au loin, on croit en apercevoir un, mais lorsque l’on tente de s’en approcher, celui-ci s’éloigne, sans jamais disparaître, telle une chimère nous narguant, ne se faisant jamais oublier en restant toujours inaccessible. Ces illusions sont ce que l’on appelle des mirages, des visions idylliques bien qu’inexistantes, comme des projections utopiques de nos rêves au lointain, que l’on chasse désespérément, occultant tout le reste.

Il semblerait pourtant que le meilleur moyen d’atteindre un oasis est de cesser toute quête de celui-ci, de se laisser porter par les vents du désert. Ce ne serait qu’en acceptant cette fatalité, ou plutôt cette part d’aléatoire, qu’on pourrait accéder, avec un peu de chance il est vrai, à ce petit Éden sur terre, loin de toutes les préoccupations et désagréments qui définissent la vie au sein de ces carcans imposés que sont les dunes.

 

Possible solution

Si les oasis n’existaient pas, la vie n’en serait pas plus difficile en essayant cette façon d’aborder le problème. Les autres ayant maintes fois prouvé leur inefficacité, je perds moins de temps, cette richesse qui nous est offerte sans qu’on en connaisse la quantité, en ne les considérant pas. Désormais je laisse le vent faire son œuvre, et le poids sur mes épaules de cette structure vouée à la disparition me semble dérisoire face à la légèreté de la brise.

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